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Écrit par Douce-Amère le Sept 17, 2016 13:35:32 GMT -5
Salut peuple!!! On n'a pas encore de fic sur le nouveau forum, et je me suis dit que je pourrais y installer bien confortablement La morale pour ouvrir le bal. Comme ça fait plus de dix ans que je l'ai écrite, vous l'avez peut-être tous lue sauf Juju , je ne sais plus. Mais peut-être pas non plus... Voici donc La morale dans sa nouvelle maison J'ai commencé à écrire ce vieux texte en 2004 pour finir, je crois, au début 2005. Ça fait extrêmement longtemps que je ne l'ai pas relu moi-même. C'est peut-être très très moyen; sans doute que je pourrais faire mieux aujourd'hui... mais j'en suis quand même encore très fière, car c'est une oeuvre assez massive Je la publie en chapitres (les mêmes que sur l'ancien forum) parce qu'elle est très longue et que je ne veux pas vous pitcher tout ça d'un trait. ***** Titre: La morale du ratonNote sur le titre: Il commence par un L et se termine par un N, puis il comporte quatre mots. Genre: Comédie, donc en théorie, vous devriez rire un peu. Droits d'auteur : L'univers et les personnages principaux de Dans une galaxie près de chez vous appartiennent à Pierre-Yves Bernard et à Claude Legault. S'ils le souhaitaient, cet humble scénario amateur pourrait être déchiré, déchiqueté en lanières, réduit en poudre ou jeté sur les bûchers de l'Enfer. Spoilers des films : Ils n'ont toujours pas trouvé LA planète. Ça va bien entre Flavien et Petrolia. À part ça, pas grand chose. Auteur : Douce-Amère Rating : Pour tous, ya même deux non-Duggies qui l'ont déjà lu. Ah, en termes d'ÂGE? Ben pour tous. ***** À l’écran, les mots « Montréal, 2039 » apparaissent quelques instants. Dans une salle de bain très luxueuse, un homme dans la cinquantaine, à l’air sérieux, est couché dans un bain rempli de glace. Il semble penché attentivement sur quelques feuilles de papier. De temps à autre, il lève des yeux un peu inquiets, puis il reporte son attention sur ses feuilles. L’écran devient noir et on lit les mes mots suivants : « Cinq minutes plus tard ». L’image revient à l’homme, toujours dans son bain, mais la glace est complètement fondue en raison de la chaleur. Il sort de son bain et dépose ses feuilles sur la toilette, écriture vers le haut. Alors qu’il s’essuie et sort de la salle de bain, on les voit clairement : elles portent l’entête de Spitfire Corporation et sont vraisemblablement un état de compte ou un autre document administratif de ce genre. On devine que l’homme en question est Rich Spitfire, le père de Brad.
Changement de séquence. Les mots « En quequ’part dans l’espace, 2039 » apparaissent à l’écran et nous sommes sur le Romano Fafard. Le capitaine est dans la salle de commandement, en train de se faire un thé. Bob est à son poste. Arrive Serge-8.
Serge-8 -- Capitaine! Vous vous mettez au thé?
Capitaine -- Oui, Serge, j'ai décidé de couper sur la caféine... Vous savez, Serge, la caféine peut avoir des effets néfastes sur l'organisme et les facultés mentales et comme le disait le grand Platon : « Un esprit sain dans... dans... danse à St-Dillon ». Et pour réussir la [regarde au plafond, dans le coin, à droite] mmmission, il nous faudra beaucoup de danse... heu... c’est-à-dire de facultés mentales. C'est pourquoi je réduirai ma consommation de café.
Serge-8 -- Oui, Capitaine, je comprends.
Le capitaine s'assoit à son poste. Serge sort et Brad entre. Il récupère les résultats de la dernière sonde, qui arrivent tout juste. Il les regarde un peu, prend une mine réjouie et va voir le capitaine.
Brad -- Capitaine, nous venons de recevoir les résultats de la sonde. Sur les 13 planètes qui composent la galaxie Koshissi, 10 semblent pourvues d'oxygène, d'eau et de végétaux et sur ces 10 planètes, 5 semblent d'une taille comparable à la Terre!! On l'a Capitaine!! C'EST LE PARADIS!!! On n'a qu'à faire notre choix!! Et les autres planètes pourront servir de destinations voyage en plus!! On y va!! On y va!! On y va!!
Capitaine -- Non, Brad, ne vous enthousastemez... enthasoustiez... enthousastiez... enthousasmiez... trippez pas trop vite. Ces planètes doivent avoir des défauts cachés... Un quelconque problème de fabrication... Peut-être que l'air climatisé ne fonctionne qu'une fin de semaine sur deux...
Brad -- Vous essayez toujours de trouver la p'tite bête noire!! Vous êtes jamais content!! En tout cas... On va y aller sur ces planètes, et vous allez bien voir qu'elles sont parfaites! Maudit scepticisme...
Capitaine -- C'est ça. En attendant, Brad, allez donc faire le ménage de la salle de régénérescence...
Brad sort à contre-coeur, Valence entre.
Valence -- Tu sais, Charles, Brad a pas tort... Ouf... c'était pas plaisant à dire ça... [reprend ses esprits] Mais il faut bien l'admettre, c'est vrai que t'es toujours sur la défensive... Reconnais qu'on a peut-être trouvé la planète cette fois-ci...
Capitaine -- Ouais... Peut-être... C'est en allant voir que nous le saurons!! Justement, nous approchons de la première planète... Valence, irais-tu chercher les autres membres de l'équipage, s'il te plaît?
Valence -- Oui.
Valence sort et revient avec Flavien, Brad, Petrolia et Serge. Bob se lève et les rejoint.
Capitaine -- Chers amis, nous semblons avoir trouvé une galaxie fort accueillante. Sur 13 planètes, 5 semblent parfaitement habitables ET sont d'une taille comparable à la Terre, donc, comme le dit le proverbe philippin, « Ya d'la place en maudit pour faire courir les veaux, Gertrude, sors la moulée!! » [courte hésitation...] Brad et moi allons nous téléfaxer sur la première de ces cinq planètes et voir ce qu'il en est.
Petrolia -- Pourquoi Brad, Capitaine?
Brad -- Parce que c'est moi le meilleur, le plus beau, le plus fin et surtout le plus diplomate d'entre nous, alors si on trouve des êtres vivants dotés d'intelligence sur cette planète, je vais les convaincre de nous accepter!! N'est-ce pas, Capitaine?
Capitaine -- Non, Brad... Si je vous emmène avec moi, c'est pour vous faire prendre l'air un peu. J'vous trouve le teint pâle... Les trois dernières fois qu'on a dû travailler sur la carlingue, vous vous êtes foulé quelque chose : d'abord ça a été une molaire, ensuite un talon et finalement la pomme d'Adam, alors ça fait longtemps que vous êtes pas sorti du vaisseau et je suis persuadé qu'un peu d'air frais vous fera le plus grand bien.
Valence -- J'suis d'accord, Charles... Hier, en thérapie, ya même rien dit qui me donnait le goût de le frapper... Brad manque sans aucun doute d'énergie!! Faut qu'y sorte jouer dehors un peu!!
Brad s'apprête à répliquer, mais se ravise en se souvenant que c'est grâce à cela qu'il accompagne le capitaine sur la planète.
Capitaine -- Nous irons, nous verrons, nous... saurons, et nous vous dirons « de quessé que c'é ». Si les nouvelles sont bonnes, nous vous appellerons, viendrons vous dire ce qu'il en est, nous y retournerons tous ensemble et nous prendrons notre décision finale. Sinon, nous reviendrons tout court.
Bob affiche une mine pensive, il essaie d'assimiler les conjugaisons compliquées effectuées par le capitaine.
Bob -- Capitaine, « verrons », ça finit-tu par un « t » ou un « s »?
Capitaine [affichant une mine paternelle affectueuse à l'égard de Bob] -- Ça prend un « s », Bob.
Brad et le capitaine s'installent sur le téléfax et Flavien s'en va au panneau de contrôle. Il appuie sur les touches appropriées et Brad et le capitaine sont téléfaxés.
Flavien -- Bon... Bob, on va-tu jouer une tite partie de Space Monopoly?
Bob -- OK!!!
Bob et Flavien sortent.
Changement de séquence. Nous sommes sur la planète, dans une clairière dont le gazon est très écrasé. Pour cause : la clairière est habitée. Il y a un peu partout des petites maisons ressemblant à des huttes, mais construites dans un matériel s'apparentant à de l'osier. Leurs portes sont en bois et les cheminées aussi. Une vingtaine d'habitants et d'habitantes de ces maisons sont ameutés, intrigués par l'arrivée dans le ciel de ce vaisseau spatial et encore plus du téléfaxage de ces deux hommes habillés en noir et en rouge. Ils sont vêtus de vêtements fabriqués dans un matériel pouvant être du chanvre et teints de diverses couleurs. Malgré leur retard technologique fort apparent, ils semblent très intelligents. Un homme d'une cinquantaine d'années s'approche du capitaine et de Brad. Il semble faire figure d'autorité, il a une démarche et une apparence très charismatique. Les mèches poivre et sel parsemées dans ses cheveux bruns ajoutent à son sérieux.
L'homme -- Bonjour...?
Capitaine -- Bonjour. Nous venons en amis, d'une planète nommée Jean Coutu... [pouffe de rire et donne un coup de coude gentil à Brad] La pognes-tu?
Brad garde un air sérieux et lance un regard en coin au capitaine pour lui faire comprendre qu'il est peut-être encore trop tôt pour blaguer. Le capitaine se ressaisit.
Capitaine -- Bonjour. Nous sommes sept Terriens... [réalise qu'il a peut-être fait une gaffe en disant cela et attend quelques secondes la réaction de l'homme, qui ne vient pas; soulagé et, malgré lui, un peu étonné, il poursuit] ...désespérément à la recherche d'une planète pour y déménager toute la race humaine. En effet, notre planète est en train de brûler de plus en plus sous les rayons de notre Soleil, et elle devient réellement inhabitable. C'est pourquoi, en voyant que 5 planètes de votre galaxie semblaient parfaites pour nous, nous avons décidé de venir voir si l'une d'entre elles ne serait pas, par bonheur, prête à nous accueillir. [En disant la prochaine phrase, il échange une poignée de main avec l'homme.] Mon nom est Charles Patenaude, et je suis capitaine de notre vaisseau, le Romano Fafard, que vous voyez là-bas [pointe le vaisseau]. Les cinq autres membres de l'équipage sont restés à l'intérieur. Je vous présente Brad Spitfire, notre scientifique.
Brad et l'homme se serrent la main.
L'homme -- Je suis enchanté de faire votre connaissance. Mon nom est Adminarus et je suis maire de la petite ville que vous voyez, Joradica. La planète sur laquelle nous nous trouvons s'appelle Mackenzie 15. Les Terriens, ici, ont une excellente réputation! On raconte que vous êtes des êtres d'une intelligence incomparable et que la démocratie que vous parvenez à établir est sans égale. Par conséquent, nous serions heureux de vous accueillir parmi nous. [Brad a levé la main]. Oui?
Brad -- Si je peux me permettre... Vos cheminées en bois sont très jolies, mais vous n'avez pas peur que le feu pogne?
Capitaine -- Brad!! Franchement... soyez polis... [ironiquement] Monsieur le Diplomate... [s'adressant de nouveau à Adminarus, avec un petit sourire] Nous vous en serons éternellement reconnaissants... Vous savez, avant de partir de la Terre, je me suis dit, tel un jeune boutonneux de 18 ans sortant dans un bar : « Charles, que voilà une belle occasion de faire de charmantes rencontres!! Peut-être rencontreras-tu des êtres tricornes immensément affables... Des gentlemen à 5 bras très doués pour le soccer sur table... Mais toujours, tu feras de splendides découvertes. Ainsi, je quittai la Terre en me disant... »
Brad -- Hum hum...
Capitaine [revenant à ses moutons] -- Toujours est-il que nous nous demandions si, par le plus grand des hasards, l'une de vos quatre autres planètes nec plus ultra était inhabitée... Pas que nous n'aimions pas les haies séparatrices de cours, les party barbecue et le zieutage de petites voisines en monokinis, mais nous sommes déjà beaucoup; nous ne voudrions pas arriver comme un cheveu dans un jeu de quilles et empiéter sur la planète d'un peuple déjà bien établi... J'ai pour mon dire qu'un achigan cheul et assalé ne chale pas son eau chept fois sez cha santeuse en chifflant... qu'un assigan seul et achalé ne sale pas chon eau chept fois sez sa chanteuse en chifflant... Enfin, vous me comprenez...?
Adminarus [l'air vraiment pas sûr de comprendre] -- Heu... oui, oui, je crois... Quoi qu'il en soit, oui, justement, nous avons une planète inhabitée pour vous!! Et QUELLE planète... des tonnes de lacs, de rivières, des océans, des forêts, une végétation luxuriante et une faune riche...
Brad -- Vous vous seriez pas déjà appelé Réal Estate, vous, dans une autre vie?
Capitaine -- [tête à demi tournée vers Brad] Brad!! [revient à Adminarus] Poursuivez...
Adminarus -- Cette planète se nomme Lévesque 118. Je peux vous la faire visiter, si vous le souhaitez... Elle n'est qu'à une fraction d'année-lumière d'ici...
Capitaine -- Ah... ben si ça vous dérange pas... Ce serait fort apprécié!!
Adminarus -- Allons-y!!! [Adminarus conduit le capitaine et Brad vers son vaisseau personnel. En chemin, il poursuit.] Ah!!! Quand j'vais dire ça à ma femme... Elle qui se plaint justement qu'on a jamais de visite! Vous viendrez souper à maison un moment donné, a va vous faire son fameux pâté chinois aux champignons de la vallée de Ste-Giroflette...
Adminarus, le capitaine et Brad montent dans le vaisseau et décollent.
À swiiiiivrrrrre.
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Écrit par Douce-Amère le Sept 19, 2016 19:13:37 GMT -5
Bon ben... Je n'attendrai pas que quelqu'un commente avant de poster la suite ***** Changement de séquence. Nous sommes de retour dans le Romano Fafard, quelque temps plus tard. Bob et Flavien jouent une partie de Space Monopoly (une variante de notre Monopoly actuel, mais plus... futuriste) dans le centre de santé et Flavien a une tablette de papier et un stylo à côté de lui. De toute évidence, il s'occupe aussi de la banque. Petrolia entre. Petrolia -- Vous êtes encore en train de jouer? Ça fait 4 heures... Flavien -- On joue une partie infinie, on s'endette au lieu de terminer la partie quand l'un des deux a pu d'argent... Petrolia [prenant l'air d'une personne qui n'avait jamais vu ça] -- Ah... pis c'est qui qui mène? Flavien -- C'est moi... D'ailleurs Bob, t'es encore sur mon terrain!! Tu me dois... 25 670 $ parce que j'ai 15 hôtels... [pitonne sur une calculatrice... longtemps, puis écrit des numéros qui semblent très longs sur la feuille] Ça fait qu'à date, tu me dois... 12 723 324 523 572 dollars, mon Bob... Bob -- Peux-tu mettre ça sur mon compte? Au même moment, le capitaine appelle la salle de commandement. Serge-8, qui y était justement, répond. Serge-8 -- Le Romano Fafard, bonjour? Est-ce qu'on peut vous aider? 30 minutes, ou c'est gratuit!! Pour un service en anglais, faites le 1. Pour un service en français, faites le 2. Si vous souhaitez obtenir un petit massage thaïlandais, faites le 3. Pour parler à Christina Aguilera, faites le 4. Si vous souhaitez... Voix du capitaine -- Serge!! Serge, c'est moi!! Téléfaxez-nous à bord. Serge-8 -- Oui, Capitaine. Serge appuie sur les touches appropriées. Brad et le capitaine sortent du téléfax. Capitaine [appelant Petrolia avec sa montre] -- Petrolia? Venez ici. Petrolia arrive. Capitaine -- Petrolia, je crois que Serge aurait peut-être besoin d'un petit réajustement, d'un bon huilage, d'un rechargement de batteries ou... d'un après-midi au Stade pour voir les chars montés... Toujours est-il qu'il m'a dit des absurdités tout à l'heure, et ça m'inquiète. Vous l'examinerez. Petrolia -- Oui, Capitaine. Capitaine -- Pour l'instant... [un sourire apparaît sur son visage] Allez chercher Bob, Flavien et Valence. Briefing dans la salle de visionnement, immédiatement!! Petrolia -- Oui, Capitaine!! Le capitaine, Brad, Petrolia et Serge sortent de la salle de commandement. Changement de séquence, nous sommes dans la salle de visionnement. Le capitaine se prépare à montrer un petit vidéo. Bob -- J'me demande c'est quoi... P’t-être le vidéo de mariage de ses parents... Le vidéo est prêt, le capitaine s'assoit avec les 6 autres membres de l'équipage. Pendant environ 1 minute ou peut-être moins, on voit une série de scènes idylliques dans lesquelles Brad et le capitaine gambadent dans les prés, se font bronzer sur une plage ensoleillée, font de l'observation d'oiseaux, font voler des cerfs volants... ou autres activités de ce genre. On présume qu'Adminarus filmait. Petrolia [« pas barrée », mais avec son petit ton candide] -- C'tu Love Story repris par Michel Louvain sur un trip d'acide? Le film étant fini, le capitaine se lève et fait face aux six autres. Capitaine [avec le même sourire que tantôt] -- Non, ce que vous venez de voir, c'est la planète Lévesque 118. Presque semblable à la Terre, dans l'bon vieux temps... sauf qu'ya pas encore de Ligue nationale de hockey. Et elle est tout à fait inhabitée. Elle semble parfaite, bref... [Prend un air de béatitude, puis revient sur Terre... si vous me permettez le jeu de mots.] Je propose donc que nous y restions... disons 1 mois, seuls, le temps de nous assurer qu'il n'y a vraiment aucun problème. Après, nous enverrons les coordonnées de Lévesque 118 à la Terre. Valence -- Pis c't'un beau nom, j'trouve, en plus... Hein? Lévesque 118... C’est joli, c’est inspirant!! Charles, j'pense vraiment que cette fois-ci, c'est la bonne!!! Valence et le capitaine s'échangent, l'espace de quelques secondes, un sourire heureux qui en dit long. Brad [en se levant] -- Oui, mais pourquoi attendre 1 mois?? Elle est parfaite, on a pas de raison!!!! En un mois, ya ben du monde qui ont encore le temps de mourir sur Terre!!! C't'une décision pas mal niaiseuse, moi j'trouve! Pour un capitaine, c'est pas fort!! [se tapant sur la tempe droite avec le bout de son index] Ça manque un ti peu de jugement, si vous voulez mon avis!! Pensez-donc aux Terriens, un peu!! Le capitaine, à bout de nerfs, donne un coup raide sur l'épaule de Brad avec le côté de sa main (bref, il lui fait un « Non, Brad », mais en silence). Brad s'écroule sur le sol. Capitaine -- On sait jamais. Peut-être qu'il y a des formes de vie que nous n'avons pas vues; après tout, la planète est grande en toryeu! Aussi grande que la Terre, et avez-vous déjà vu un vrai de vrai Zambien, vous autres? Bob -- Ben Zambien je l'sais pas, mais quand j'étais ado, une fois j'suis allé dans un party, pis moi pis mes amis, le lendemain, on était po mal zambis... Flavien [bas] -- C'est « zombies » qu'on dit, Bob... Capitaine -- Puis un mois, c'est pas tant que ça. Je crois réellement que ce serait plus sécuritaire d'apprendre nous-même à mieux connaître cette planète avant d'y faire venir tous les autres Terriens. Qu'en pensez-vous? Flavien -- Oui, mais un mois, c'est peut-être un peu long, Capitaine... Disons 3 semaines? Capitaine -- Va pour trois semaines. Si dans trois semaines, on n'a pas encore trouvé de défaut à cette planète, nous en enverrons les coordonnées à la Terre. Allez faire vos bagages, maintenant, nous nous installerons sur Lévesque 118 demain matin. L'équipage, tout sourire, se dirige vers les chambres. Bob et Flavien transportent Brad. Le capitaine reste sur place. Changement de séquence. Nous sommes le lendemain matin, dans la salle de commandement. Tout l'équipage est présent et leurs bagages sont par terre autour d'eux. Flavien [sur le ton que prend habituellement le capitaine] -- Bon ben, c'est ça... qui est ça... Le capitaine le regarde bizarrement. Capitaine -- C'parce que c'est moi qui dit ça d'habitude... Flavien [l'air bizarre] -- Ouain... C'est vrai... Capitaine -- Bon, c'est un départ... En espérant que ce soit le bon!! Ce n'est qu'en y allant que nous le saurons... Let's go, gang!! L'équipage se téléfaxe sur la planète. Bob sort le dernier et avant d'être téléfaxé, il se bouche le nez, prend une respiration et la retient comme s'il plongeait dans une piscine. On voit les membres de l'équipage arriver sur Lévesque 118. Ils sont sur une plage ressemblant étrangement à une plage gaspésienne, disons de la Baie des chaleurs. Derrière, un champ. Nous sommes en plein coucher de soleil. Quelques mouettes volent dans le ciel. Les 7 membres de l'équipage regardent un peu autour pour se familiariser et ne semblent pas avoir plus froid que dans le vaisseau. Valence -- Bon ben, on est rendus!! Capitaine -- Oui, Valence, nous sommes sur la planète Lévesque 118. [Regarde la mer, se tourne et regarde le champ. Ouvre les bras.] Quelle belle planète. De grands espaces... Valence, Bob, Brad, Flavien, Petrolia et Serge-8 regardent partout aussi et semblent penser comme lui. Petrolia commence à pleurer un peu. Flavien la prend à part. Flavien -- Petrolia, qu'est-ce qu'y a? Petrolia -- Ben... tu sais que j'ai jamais mis les pieds sur la Terre... Pis ici, je regarde et j'trouve ça beau, et j'me dis que ça devait ressembler à ça là-bas... Et j'me dis encore plus que j'aurais aimé ça avoir la chance d'y vivre... Flavien -- Ouais, j'comprends. Mais tu sais, sur Terre, c'est loin d'être le paradis avec toutes les guerres et la pollution et la bêtise humaine en général... Toi, t'as jamais connu ça et des fois j't'envie pour ça... Ici, on va pouvoir recommencer à neuf sans ces problèmes-là mais AVEC toutes les belles choses que tu vois! Il essuie ses larmes. Petrolia -- Ouais... t'as raison... [Retrouve le sourire.] Flavien pose un baiser sur le front de Petrolia et ils rejoignent les autres bras dessus bras dessous. Capitaine -- Mes amis, Lévesque 118 sera peut-être la planète sur laquelle toute la race humaine déménagera, un 1er juillet de préférence parce que... je sais pas pourquoi, mais c'est toujours comme ça que ça marche, et que nous appellerons un jour Terre. C'est aujourd'hui un grand jour. C'est au cours des trois prochaines semaines que nous verrons si cette planète est vraiment idéale pour nous... Bob lève la main. Capitaine -- Oui, Bob? Bob [souriant] -- Ça, ça veut dire que pendant trois semaines, on va vivre tout seuls, comme sur l'Île de Gilligan? Capitaine [sourit à l'idée] -- Un peu, oui... [Commence à chanter, sur l'air de l'Île de Gilligan. Il y a aussi de la musique, similaire à la vraie. Tout en chantant, les 7 comédiens dansent - free style.] Après 5 ans à nous promener très loin de la Voie lactée Nous persistions à n'pas trouver c'que nous venions chercher Valence -- Le capitaine, découragé, n'était plus fort sur ses pieds Et les six autres équipiers avaient la goutte au nez... Avaient la goutte au nez... Flavien -- Mais un bon jour, est arrivée la galaxie rêvée Alors, de frapper Brad-e j'arrêtai, pour venir festoyer... Pour venir festoyer... Bob, Serge-8, Petrolia et Brad -- Et voici donc la nouvelle planète de toute l'humanitééé Valence -- Qu'le capitaiiine... Brad -- Flavien itoo... Bob -- Ce chieeen de Braaad.. Flavien -- Petroliaaaaa... Serge-8 -- Notreee Valence... Petrolia -- L'ami Bob et Seeerge l'androïïïde... Tous -- Ont fini par trouveeeeeeeeer!!!!!! [sur une jolie harmonie, fin de la chanson] Flavien [redevenant normal] -- Bon... On s'trouve-tu une place pour s'installer? Capitaine -- Bonne idée!! Ya une clairière là-bas, allons voir. Les sept compagnons se rendent dans le champ à côté de la plage (avec leurs bagages, bien entendu). Ils y trouvent une femme qui semble environ du même âge qu'Adminarus, soit d'une cinquantaine d'années. Elle est blonde et commence aussi à avoir des cheveux gris. Ses cheveux sont attachés en un chignon. Elle porte aussi des vêtements du même matériel que le peuple de Joradica (la ptite ville où étaient arrivés Brad et le capitaine) et ses vêtements sont vert jade. Elle porte un panier de fruits. Femme -- Bien le bonjour, Terriens!! Je m'appelle Zénorine, et je crois que vous avez déjà rencontré mon mari, Adminarus... Capitaine [souriant] -- Oui, oui, bien sûr!! Nous sommes enchantés de faire votre connaissance. Mon nom est Charles Patenaude et voici mon équipage. Que nous vaut l'honneur de votre visite? Zénorine -- Eh bien, Adminarus m'a dit que selon lui, vous vous établiriez sans doute sur Lévesque 118 et quand j'ai vu votre vaisseau approcher, j'ai décidé de venir vous souhaiter la bienvenue!! [Avec un grand sourire.] Bon... Il a fallu que je me dépêche pour arriver à temps, mais de Mackenzie 15 [pointe la planète, qui n'est pas très loin], on voit très bien la plage où vous êtes arrivés... C'est une chance, car cette planète est grande en diable!! Mais c'est tant mieux si nous ne sommes pas trop loin, nous pourrons être bons voisins!!! Valence -- J'espère juste que vous mettez pas la musique trop forte? J'avais des voisins comme ça, sur Terre... Le gros party 24 heures sur 24... Zénorine -- Non... ne vous inquiétez pas, nous sommes de nature plutôt tranquille. Tenez, justement, je vous ai apporté un petit cadeau... [elle tend le panier de fruits au capitaine]. Capitaine -- C'est trop, vous auriez pas dû... Bob regarde avidement le panier. Le capitaine le regarde et le trouve impoli, mais parle finalement. Capitaine -- Allez-y, Bob, prenez-en... Sont là pour ça... Mais essayez de nous en laisser!! Avant même que le capitaine ne finisse sa phrase, Bob avait commencé à piger. Il y va férocement; à la fin, il ne reste qu'un kiwi et une prune. Bob a les bras pleins et commence à manger. Le capitaine regarde le panier, un peu découragé. Brad -- Vous auriez pu nous en laisser un peu PLUS que ça... Bob [la bouche pleine] -- Ben là j'vous en ai laissé, chialez pas... J'engraisserai même pas à part ça, c'est juste des fruits... C'est bon pour la santé!! Brad -- Triple imbécile... Une chance que c'est pas du bacon pis des pogos, vous auriez ben l'air d'un mammouth obèse après avoir mangé tout ça... Capitaine -- Stop, vous deux... Arrêtez, là, j'vous rappelle qu'on a de la visite!! [reporte son attention sur Zénorine] C'est vraiment gentil de votre part de nous accueillir de cette façon... Tiens, pourquoi ne viendriez-vous pas, vous et votre mari, souper avec nous demain? Zénorine -- Mais bien sûr!! Je suis certaine qu'Adminarus en sera ravi. Je vous ferai mon pâté chinois aux champignons de la vallée de Ste-Giroflette!! Vous allez voir, il est délicieux. À quelle heure, demain? Capitaine -- Disons... 6 h? Zénorine -- C'est parfait! Nous serons ici demain soir, à 6 h tapant. D'ici là, si vous avez besoin d'aide, vous pouvez toujours utiliser ceci... [remet au capitaine une boîte de conserve avec un fil qui sort du bout]. L'autre boîte est sur notre planète, plus précisément au centre de votre village. Enfin, c'est L'UNE des autres boîtes, nous avons un système assez élaboré dans la galaxie... Faites attention : pour que la communication s'établisse bien, il faut que le fil soit bien tendu. Capitaine -- C'est parfait!! À demain, donc! Zénorine -- À demain! Zénorine monte dans son vaisseau, à l'apparence assez perfectionnée, et retourne sur Mackenzie 15. Flavien -- Ouais ben yont tout investi dans leurs vaisseaux pis yavaient pu d'budget pour les communications, on dirait... Moi, si j'étais eux autres, je repenserais ça... Capitaine -- C'est vrai que ça peut sembler précaire, comme téléphone, mais nous installerons notre propre système dans trois semaines... D'ici là, c'est suffisant. Petrolia -- En tout cas, on est loin d'Internet!! À moins d'se construire des ordinateurs en boîtes de conserve, mais encore là!! Valence -- Bon si on s'installait? C'est bien ici, j'trouve!! Ya d'l'espace... Capitaine -- Tout le monde est d'accord? Les cinq autres sont d'accord. Capitaine -- Alors, montons les tentes!! On voit en accéléré les sept membres de l'équipage décider avec qui ils dormirons, sortir les tentes et les monter en rond. Puis, l'image revient à une vitesse normale. Il y a quatre tentes. Dans le sens des aiguilles d'une montre, en carré : le capitaine et Valence prennent la première, Flavien et Petrolia la deuxième, Serge et Bob la troisième et Brad la quatrième. Bref, la tente du capitaine et de Valence est face à celle de Serge et de Bob, et pareillement pour les deux autres tentes. On voit que Flavien et Petrolia n'ont pas réussi à monter leur tente comme il faut; en fait, le résultat final n'a même pas l'air d'une tente. Brad trouve ça drôle. Brad -- C'est quoi, un accordéon pour Goliath manchot? Pas capables de monter une tente à deux, c’est pathétique, une chance qu’on les a pas prises chez IKÉA! Regardez, moi j'ai monté la mienne tout seul et les deux doigts dans l'nez... Messemble que c'est pas sorcier... Capitaine -- Brad, on s'est pas tous fait inscrire dans les Scouts par nos parents quand on était petits parce qu'ils nous aimaient pas et qu'ils voulaient nous voir le moins souvent possible... Et Petrolia n'a même jamais mis les pieds sur Terre, laissez-lui une chance! Serge-8 -- Oui, mais Flavien a été dans les Jeanettes, non? Flavien [se justifiant] -- Oui, mais on dormait dans des cabanes plus souvent qu’autrement et les designs de tentes ont pas mal changé depuis... Capitaine -- Bon... c’est pas de votre faute, Flavien. Alors aidons-les à monter leur tente, qu'on en finisse! En accéléré, tous (même Brad, bien qu'il le fasse très à contrecœur) se regroupent autour de la tente de Flavien et de Petrolia et les aident à la monter, avec succès. Retour à la vitesse normale. On voit que les tentes sont placées en carré dans l'ordre que j'ai nommé précédemment et qu'il a suffisamment de place dans le centre pour y établir un « centre du village » ou, du moins, pour y tenir des banquets. Il se réunissent ensuite en ce centre. Flavien -- Bon, qu'est-ce qu'on fait, là? Bob [portant encore autour de la bouche quelques vestiges de son orgie de fruits] -- On pourrait peut-être dîner? Brad -- Vous allez pas m'dire que vous avez encore faim? Vous êtes un vrai porc!! Bob -- Ben quoi c'est l'heure... Mon horloge digestive est capricieuse, moi! Brad -- N’importe quoi! Valence -- Moi, j'pense qu'on devrait d'abord installer notre « téléphone », si vous m'permettez l'expression, et après aller se promener un peu pour visiter. Après, on ira chercher les provisions qu'on a laissées sur le vaisseau et on mangera. Qu'est-ce que vous en dites? Les six autres acquiescent. Bob -- En me promenant, si je rencontre un orignal qui crie : « Mange-moi!! Mange-moi!! » avec ses yeux, est-ce que j'peux quand même le manger? Capitaine -- Vous devriez plutôt essayer de vous retenir et nous le rapporter, Bob, ça ferait un bon méchoui... Valence -- Oui, méchoui pas sûre qu'on en aurait assez pour nous six... [rit... se trouve vraiment drôle, se rend compte qu'elle a l'air d'être la seule, donc arrête de rire et les regarde] Ben... « méchoui »... « mais j'suis »... Non? [silence] Bon, ok... Capitaine -- Bon ben avant tout, [prend le téléphone] où est-ce qu'on met ça? Bob -- Dans l'garde-manger? Brad [ironique] -- Ben oui, mais quand vous allez vous tromper pis essayer de manger c'qu'ya dedans, faites attention pour pas couper le fil... Flavien -- On a juste à la suspendre sur une branche près des tentes... Valence -- Bonne idée! Le capitaine trouve un arbre près des tentes et y suspend le téléphone. Bob -- Qu'est-ce qu'on fait, maintenant? Brad -- Ben on va prendre une marche!! Les oreilles, c'est comme les pieds, ça s'lave!! Capitaine -- Ça serait pas plutôt : les oreilles, c'est comme les pieds, t'en as deux pis sers-toi en...? Silence. Valence tapote un peu le dos de son Charles de façon rassurante, pour le réconforter. La suite betôt.
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Écrit par Douce-Amère le Sept 21, 2016 19:55:32 GMT -5
Encore un bout, parce que. ***** Changement de séquence. Nous sommes le lendemain, en après-midi. À partir de maintenant, les membres de l'équipage ne seront plus en uniformes sur la planète, mais en vêtements normaux. Tout le monde est dans le centre du campement sauf Valence, et quelqu'un y a allumé un feu de camp réussi. On voit qu'ils ont monté une tente plus grosse à côté, sans doute pour y ranger des provisions et de l'équipement (pas toutes les provisions, bien sûr, il y en a trop; le reste est encore dans le vaisseau). Valence sort de cette tente et se dirige vers le capitaine. Valence -- Charles, j'ai regardé nos provisions, pis penses-tu qu'on devrait fournir le dessert, ce soir? Ils fournissent le repas principal, ça serait juste poli, surtout après le bel accueil qu'ils nous ont fait... J'pourrais faire mon pouding chômeur? Capitaine [crie presque] -- NON!! Pas ton pouding chômeur!!! Valence [sur la défensive] -- Hein? Pourquoi? Capitaine -- Ben... [patine pour trouver une raison autre que la vraie : dans le fond, le pouding chômeur de Valence est immangeable] Yapportent du pâté chinois, Valence, pis « pâté chinois », ça fait « p. c. », comme « pouding chômeur »... Ça s'fait pas!! C'est pas assez original, y vont penser qu’on a copié sur eux. Essaie de trouver quelque chose d'autre... Comme des... toasts au caramel? Tout l'monde aime ça, des toasts au caramel!!! Valence [n'en croit pas un mot, mais fait un passe droit] -- Ouain... Mettons... Elle retourne dans la tente des provisions et de l'équipement, ou « marquise ». Bob, assis près du feu, a entendu la conversation, mais n'a pas compris que la raison donnée par le capitaine à Valence n'était qu'une excuse. Bob -- Ouais mais capitaine, si on décide d'appeler le pouding chômeur par un autre nom, ça fera pu « p. c. »!! On pourrait l'appeler, mettons, « pâte de la déesse du sucre » ou « délice des mille et une petites cuillères d'argent »? Le capitaine regarde Bob l'air de le trouver « un peu » niaiseux, mais ne dit rien. Flavien, qui était assis avec Bob, lui explique ce qu'il n'avait pas compris. Capitaine [en regardant le centre du campement] -- Serge-8 et Flavien, allez dans le vaisseau chercher notre grande table et montez-la. Les autres, allez chercher du bois pour alimenter le feu... On a de la visite, ce soir!!! [Entame quelques pas de gigue, puis se calme.] Les six autres -- Oui, capitaine!! Petrolia, Serge, Flavien, Valence, Bob et Brad partent. Le capitaine reste immobile, songeur. Changement de séquence. Nous sommes encore dans le centre, quelque temps plus tard. Il est presque 18 h, le soleil commence à se coucher. Les sept membres de l'équipage sont habillés un peu plus chic, mais pas trop; on est quand même dans le bois. Une grande table en bois est montée et Flavien et Petrolia sont en train de dresser neuf couverts. Les autres sont soit dans leurs tentes, soit dehors, mais on ne les voit pas. Autour de la table sont suspendues des lampes à la citronnelle de différentes couleurs et le résultat est très beau. Flavien [sur un ton se voulant plein de sous-entendu] -- Imagine, Petrolia, si on en avait mettons... 3 à dresser, toi et moi... Petrolia [n'a pas compris] -- Vu que j'vois pas pourquoi tu parlerais de chiens, j'vais tenir pour acquis que tu parles de couverts? Ça serait moins de job en tout cas, pis moins de vaisselle à laver!! La table serait trop grosse par exemple... mais pourquoi tu dis ça? Flavien [essaie de se faire comprendre] -- Non... t'sais, dans l'intimité, pas ici... juste à trois... Petrolia -- Juste toi, moi et Bob? Flavien [décide de laisser tomber pour l'instant] -- Non, j'parle pas de Bob... laisse faire... Petrolia n'insiste pas. Le capitaine sort de sa tente, aussitôt suivi de Valence. Capitaine -- Bon, ils devraient arriver bientôt, yé presque 6 h. Valence, as-tu préparé tes toasts? Valence -- Ben non... c't'évident qu'elles vont être rendues froides quand on va être rendu au dessert, a seront pu bonnes... Capitaine [dans sa barbe] -- Pour la différence que ça ferait... Les ayant entendu parler, Serge et Brad sortent de leurs tentes respectives. Bob revient de la mer. Bob -- J'ai essayé de pêcher, mais comme j'ai pas trouvé de vers, j'ai essayé avec un pogo... Ça a pas marché... J'va réessayer demain!! P’t-être que les poissons aiment mieux le poulet? Capitaine -- Peut-être, Bob, peut-être... mais dilapidez pas toutes nos provisions là-dedans... Au même moment, à côté des tentes, atterrit le vaisseau d'Adminarus et de Zénorine. Capitaine -- Tiens, quand on parle du loup!! Bob -- On parlait pas de ma pêche? L'équipage a commencé à se diriger vers le vaisseau pendant que Bob parlait. Zénorine et Adminarus en descendent. Zénorine porte deux grands plats de pâté chinois, on présume qu'il y en a assez pour tout le monde. Adminarus tient 2 bouteilles de vin, une de vin blanc et l'autre de vin rouge. Capitaine -- Bonsoir!! Vous auriez pas dû, pour le vin, Bob et Petrolia le portent un peu mal... En fait, on essaie d'éviter de leur en donner... Adminarus -- C'est pas grave, ça nous en fera plus!! Adminarus et Charles rient un peu. Valence -- Venez, la table est mise... J'espère que vous aimez les rôties au caramel? C'est le dessert que je vais nous préparer! Adminarus et Zénorine trouvent cela bizarre et un peu « cheap », mais hochent la tête. Valence est satisfaite. Les neuf arrivent dans le centre du campement et Bob va s'asseoir à table. Il ne se relèvera pas avant la fin du repas. Adminarus et Zénorine s'extasient du décor. Zénorine -- Sapristi, c'est vraiment joli... Vous auriez pas dû... Petrolia -- Ah vous savez, c'est pas tous les jours qu'on reçoit de la visite... En fait, c'est plutôt rare... En fait, de la visite qui a pas fini par être désastreuse, est-ce qu'on en a eu, depuis le début de la mission? Ben... depuis que Serge et moi on est arrivé? Silence. Les six autres membres de l'équipage réfléchissent fort. On entend quelques criquets. Capitaine -- Même avant, pour dire vrai... Petrolia -- En tout cas, on est ben contents. Faites comme chez vous, hein! Zénorine [souriante] -- Merci bien!! Alors, à la soupe? Les huit convives encore debout sont d'accord et se dirigent avec enthousiasme vers la table. Il s'assoient. Dans le sens des aiguilles d'une montre : Charles, Valence, Serge, Petrolia, Flavien, Bob, Brad, Adminarus, Zénorine. Zénorine sert tout le monde et Adminarus verse le vin en omettant d'en donner à Petrolia et à Bob. Ils s'assoient eux aussi et tout le monde commence à manger. Valence -- Hmmm... Zénorine, votre pâté chinois est vraiment délicieux... Va falloir que vous me donniez votre recette!! La capitaine semble regretter un peu d'être assis entre Valence et Zénorine et de ne pas pouvoir en dissuader subtilement Zénorine sans que Valence ne s'en aperçoive. Il se résigne. Zénorine -- Bien sûr!! D'ailleurs on devrait se tutoyer... Entre voisines!! Valence -- Absolument! Zénorine et Valence commencent à parler de leurs vies de couple respectives. Notre attention se porte maintenant sur leurs voisins de table, Brad et Adminarus. Adminarus -- Dites donc... Brad? Brad fait signe que c'est bien son nom. Adminarus -- Quand vous êtes venu sur Mackenzie 15 avec le capitaine, vous m'avez semblé fort intelligent et réfléchi... Sans compter cette diplomatie que j'ai cru percevoir en vous... Brad [à qui ces compliments montent un peu à la tête] -- Ben... vous savez, ça court, dans la famille, les relations publiques... Mon père et mon grand-père étaient des hommes d'affaires à qui tout réussissait, c'est donc normal que j'aie un peu hérité d'eux... Adminarus -- Oui... eh bien, toujours est-il que je vous ai bien observé, et je ne passerai pas par quatre chemins : nous tiendrons des élections dans deux semaines pour élire le nouveau président de la galaxie. Les élections sont ouvertes à tous, ce qui signifie que n'importe qui peut poser sa candidature, et un peu de sang neuf ne pourrait sans doute pas nous faire de tort... Vous voyez où je veux en venir, Brad? Brad [intéressé] -- Oui... Mais n'est-il pas un peu tard pour recueillir les candidatures? Adminarus -- Non, pas du tout... Ici, tout va très vite : les candidats ont encore trois jours pour se présenter, puis le peuple aura le temps de se faire une idée et dans deux semaines exactement, nous passerons aux votes. Alors, qu'en dites-vous? Brad [sourire en coin] -- L'idée me plaît beaucoup... Qui sont les autres candidats? Adminarus -- Vous seriez trois, pour l'instant. Les deux autres candidats sont le président sortant, Spétté Hayeull, et son frère Klax, chef actuel de l'opposition. Je crois que vous aurez de bonnes chances, le peuple de Koshissi sera content de voir un nouveau visage et les frères Hayeull ont fait l'objet de quelques controverses ces dernières années... Il suffira que vous vendiez bien votre salade, et d'entrée de jeu, vous pouvez être certain d'avoir mon vote! Brad -- Eh bien, marché conclu!! Que dois-je faire pour poser ma candidature? Adminarus -- Ne vous en préoccupez pas, je ferai les démarches nécessaires. [Tend la main à Brad, qui la prend.] Bienvenue dans la course électorale, cher ami!! Dès demain matin, l'annonce de votre candidature sera dans les journaux. Flavien se lève et cogne sur son verre de vin avec sa fourchette, ce qui attire l'attention des autres convives. Flavien -- Je voudrais porter un toast à notre arrivée sur Lévesque 118, cette planète magnifique grâce à laquelle nous sauverons sans doute la race humaine. À Lévesque 118!!! Tous -- À Lévesque 118!!! Les neuf convives portent le toast et la fête continue. Après quelques secondes, Changement de séquence. Tout le monde est couché et nous nous retrouvons dans la tente de Flavien et de Petrolia. Les amoureux sont dans les bras l'un de l'autre, on les voit dans la semi-obscurité. Petrolia -- Flavien...? Dors-tu? Flavien -- Non... Petrolia -- J'ai pensé ce soir à ce que tu m'avais dit pendant qu'on mettait la table, pis j'ai compris... Flavien -- Pis... qu'est-ce que t'en penses...? Petrolia -- Ben tu l’sais voyons que j'ai hâte d'avoir un enfant!! Peut-être même trois ou quatre, quand on va être certains de rester ici... J'ai même commencé à penser à des noms! Flavien -- Moi aussi... Comme quoi? Petrolia -- Ben j'avais pensé à Rogatienne... C'était le nom de mon arrière-grand-mère... Ou ben, pour un gars, à Gontrand-Arthur? J'ai toujours aimé ça, les noms composés... Flavien [guère enchanté] -- J'aimerais peut-être mieux des noms plus simples... hein? Comme Florence... ou Julien... J'aime pas ça quand c'est trop compliqué... Petrolia -- Ben Rogatienne, c'est pas compliqué... Flavien -- Non, mais c'est... j'sais pas... j'aime pas trop ça... Tu devais avoir d'autres arrière-grand-mères? Petrolia -- Ben j'en ai une qui s'appelait Hortensia...? Flavien -- Ouais ben... on pourrait p’t-être... prendre le nom d'une de tes cousines, d'abord? Petrolia -- Comme Berthe? Ou Tamacline? Flavien -- Tamacline?!? C'est quoi c'te... [se ravise parce qu'il ne veut pas blesser Petrolia] Bon... on serait mieux de dormir, on a une grosse journée demain... On en reparlera, mon amour. Petrolia -- Ok... Bonne nuit. J't'aime. Flavien -- J't'aime aussi ma belle. Flavien et Petrolia s'embrassent. Changement de séquence. Nous sommes le lendemain matin, vers 6 ou 7 h. Flavien est en train de préparer un déjeuner sur le feu de camp, sous le regard attentif de Bob. Brad, assis sur une bûche, lit. Petrolia effectue une réparation ou un réajustement quelconque sur Serge. Le capitaine et Valence sortent de leur tente. Le capitaine prend une grande bouffée d'air frais. Capitaine -- Hi qu'ça fait donc du bien de sentir l'air frais en se levant le matin... D'entendre les oiseaux qui chantent... Je sens la piqûre euphorisante du printemps sur une épaule et l'irrépressible bonheur de vivre sur l'autre! Valence -- Charles, la piqûre, c't'une piqûre de maringouin... Capitaine [regarde son épaule] -- Ah ben oui, ga dont ça... Faut croire que j'avais perdu l'habitude, hein? Valence acquiesce. Le capitaine se dirige vers Petrolia et Serge-8. Capitaine -- Bon matin, Petrolia!! Petrolia -- Bon matin, Capitaine!! Capitaine -- Alors, ces réajustements, ça avance? Petrolia -- Oui, oui!! Y m'a récité le menu du Ben Poulets-zé-Dindes une autre fois tantôt, mais là ya arrêté... C'est en bonne voie!! Capitaine -- J'vous dis qu'on est bien ici, quand même... dans la nature, sur une planète jusqu’à présent parfaite... Y manque pas grand chose à notre bonheur, un peu plus pis on a le journal!! Il rit un peu de ce qu'il vient de dire, mais tout à coup, derrière lui, un journal arrive du ciel à une vitesse fulgurante et le frappe en arrière de la tête. Capitaine -- AYOYE!!! Kessé ça?!... Ah ben... un journal!! Parle-moi d'une coïncidence!! [complètement hébété] Ben coudonc... En tout cas, on peut dire que leurs camelots sont compétents!! Valence le masse doucement en arrière de la tête, là où le journal l'a frappé. Capitaine -- On va regarder c'qui se passe de beau dans la galaxie, pourquoi pas... Il regarde les manchettes. De son point de vue, on voit que le titre du journal est la Gazette Koshisienne. Un gros titre renvoie à un article intitulé Nouveau candidat aux élections, en page 3. Le capitaine, intéressé, tourne la page pour lire l'article en question. On voit presque aussitôt son visage devenir colérique. Valence et Petrolia se tournent vers lui. Valence -- Charles? Qu'est-ce qu'ya? Charles essaie de se contrôler. Capitaine -- Rien, rien, Valence... tout va bien... tu sais, comme le disait le grand Dalaï... Dolo... Dolla... Rama : « Rien ne sert de bouillir, il faut se cuire... à point ». Quelques secondes passent et Valence ne semble point convaincue. Capitaine -- Aaaah pis d'la maarde... L'image est soudainement remplacée par un gros plan sur une fleur, dans un champ, que le vent fait osciller doucement et on entend ceci, sur un fond de musique classique : « Amnistie internationale nous a demandé de censurer la colère du capitaine : elle estime que celle-ci va à l'encontre des droits humains fondamentaux parce qu'elle est une torture et que sa diffusion constituerait une manifestation évidente de violence psychologique à votre égard. Veuillez nous en excuser ». Lorsque l'image revient, le capitaine s'en calmé un peu, mais on voit qu'un arbre est déraciné, que deux tentes n'ont pas tenu le coup et se sont écroulées et que Flavien a un œuf miroir sur la tête et une tranche de bacon dans le front. Brad, qui se doute bien que le capitaine est fâché contre lui, voudrait disparaître derrière son livre. Capitaine -- BRAAAD Spitfire!!!!!!!!!! Brad -- Oui...? Capitaine [montrant l'article] -- Qu'est-ce que c'est que ça? Brad -- Ben... un journal? Capitaine -- J'vous parle de l'ARTICLE, Brad!!! Brad -- Un... article? Le capitaine se rend d'un pas rapide à deux pouces de la face de Brad, qui baisse son livre, et lui colle littéralement le journal dans la figure. Capitaine -- Candidat aux... élections... présidentielles?!? Brad -- Peut-être...? [Silence colérique.] On va dire...? [Re-silence plein de fiel.] Tendez-moi votre sandale, que je la lèche pour qu'elle resplendisse...? Capitaine -- Brad, si nous avions officiellement fait de cette planète notre terre d'accueil, je vous laisserais faire ce que bon vous semble et vous présenter à toutes les élections que vous voulez. Mais CE N'EST PAS ENCORE LE CAS, Brad!! Nous sommes ici pour explorer la planète et voir si elle est bonne pour nous, PAS pour nous présenter à des élections!! Qu'allons-nous faire, Brad, si vous gagnez et que nous devons partir? Hein? Partir sans vous?!? [Il commence à réfléchir...] Quoique... ce ne serait pas une si mauvaise idée... À bien y penser, Brad, je vous souhaite de gagner!! Ça nous fera une bonne une excuse pour nous débarrasser de vous!! Si nous devons partir, nous partirons, et si vous gagnez, vous resterez ici... avec la raison de notre départ, tiens!! Bob détourne son attention du bacon et des œufs et regarde le capitaine. Il ne comprend pas et commence à saigner du nez. Bob -- La raison de notre départ...? Brad -- Capitaine, la planète est parfaite, yen aura pas de problème pis tout l'monde le sait, sauf vous qui vous vous obstinez... Si yavait des gros monstres ou d'autres problèmes, Adminarus nous l'aurait dit! Capitaine -- J'ai pris ma décision, Brad, nous attendrons 3 semaines pour être certains. Point final!! Si vous gagnez vos élections et que nous devons partir, vous resterez... Cette pensée me réjouit et j'ai presque envie de voter pour vous, mais je ne le ferai pas, au cas où nous resterions! Brad, un peu dépité, s'éloigne. Valence s'approche du capitaine. Valence -- Charles, penses-tu vraiment que si on découvre des monstres ou quelque chose d'autre de terrible qui va nous forcer à partir, ce serait moralement acceptable de laisser Brad tout seul ici? Charles -- Valence, c'est de Brad qu'on parle. Depuis le début de la mission, Brad a fait beaucoup de choses qui n'étaient pas [en mimant les guillemets avec ses index et ses majeurs] « moralement acceptables ». Pis qu'est-ce que tu voudrais qu'on fasse, de toute façon? Ya déjà présenté sa candidature, c'est dans les journaux... Et si y gagne, yaura juste à déménager sur Mackenzie 15 ou l'une des autres planètes, si yé en danger ici! Valence -- C'est sûr... Alors on le laisse se présenter? Capitaine -- J'pense qu'on a pas trop le choix... Le capitaine tourne son attention vers Flavien et l'odeur du déjeuner. Capitaine -- Alors, Flavien, ça s'en vient, ce déjeuner? Flavien -- Oui, oui... J'étais un peu déconcentré, disons, mais c'est presque prêt!! Capitaine -- Excellent. J'ai une faim de loup!! On voit que Bob a quelque chose à dire, mais qu'il trouve que le sujet est délicat et qu'il se demande si le moment est bien choisi. Néanmoins, il se lance. Bob -- Capitaine...? Est-ce que je peux vous parler, seul à seul? Capitaine -- Mais bien sûr, Bob. Venez... Bob se lève et rejoint Charles. Les deux s'éloignent un peu vers la forêt. Capitaine – Alors, Bob, que voulez-vous me dire? Bob – Ben Capitaine… J’vous ai entendu parler à Brad, pis j’ai pensé que… [essaie de se raviser] Vous trouvez pas que les arbres ici ont l’air plus verts que sur le vaisseau? Capitaine [confus] – Hein? À quoi voulez-vous en venir? Bob [toujours pas certain, mais se lance quand même] – Ben, j’ai eu une idée… J’ai pensé que pour empêcher Brad de gagner les élections, j’pourrais p’t-être me présenter, moi aussi… Le capitaine arrête de marcher tout à coup et se regarde les pieds. Capitaine [sur un ton conciliant] – Bob… Si j’suis pas content que Brad se présente aux élections, c’est pas parce que je l’aime pas, c’est parce qu’on sait pas si on va rester ici… Bob – Oui, mais Capitaine, si je gagne les élections, Brad gagnera pas! Ça va régler le problème… Voyant que Bob ne comprend pas, le capitaine se résigne. Il se dit cependant que Bob n’a à peu près aucune chance de gagner et décide donc d’accepter pour lui faire plaisir. Capitaine – Eh bien oui, Bob, pourquoi pas? Présentez-vous, on verra bien!!! Un grand sourire éclaire le visage de Bob. Bob – Wow!! Merci, Capitaine!! [arrête de marcher et prend un air rêveur] Bob Dieudonné Marcellin, président de la galaxie… Ça sonne bien!! Capitaine [pas sûr] – Oui, oui… Ça a un certain style, oui… Bob – Heille, faut j’aille dire ça à Flavien…! Capitaine – Hey bien allons-y!! Bob et le capitaine font demi-tour et reviennent sur leurs pas. On les voit arriver dans le campement. Bob se dirige vers Flavien pour lui annoncer la bonne nouvelle et le capitaine retourne auprès de Valence, un peu en retrait. Valence – Comme ça, c’est décidé, on fait rien pour Brad? Capitaine – Non, Valence, ya rien qu’on peut faire… Mais j’ai accepté que Bob se présente. Valence fige. Valence – Hein…? J’suis pas sure de bien comprendre, là…? T’as accepté que Bob fasse QUOI…? Capitaine – Y m’a proposé de se présenter pour essayer d’empêcher Brad de gagner et j’ai accepté! Valence – Charles, c’est ridicule, Bob peut pas gagner, personne voterait pour lui… C’est plate, mais c’est ça! Capitaine – Je sais Valence, mais ça lui fait tellement plaisir, si t’avais vu son visage quand j’y ai dit oui! J’ai accepté pour ça, tu devrais être fière de moi, t’aurais fait la même chose. Valence reconnaît qu’il a raison. Valence – Ouain… Mais quand même, j’ai peur que ça devienne un peu un cirque c’t’histoire-là… T'sais comment c’était sur Terre… Capitaine – T’en fais pas, Valence, ça pourra JAMAIS être aussi pire que ça. Valence le concède. Changement de séquence. On voit Bob et Flavien. Celui-ci est en train de finir de préparer le déjeuner et a sorti des assiettes. Bob [tout sourire] – Flavien, j’ai décidé de me présenter aux élections contre Brad… J’ai demandé au capitaine, pis ya dit oui!! Flavien arrête ce qu’il fait et regarde Bob. Flavien – Bob, es-tu sûr que c’est une bonne idée? Es-tu sûr que tu veux devenir président? Bob – Ben oui… Pourquoi pas? J’me verrais président… Ça serait l’fun… J’étais toujours capitaine de mon équipe au ballon chasseur quand j’étais p’tit!! Pis en plus, j’pourrais empêcher Brad de gagner! Flavien – Bon, si tu veux... Ça pourrait sans doute pas faire de tort… J’pourrais être ton conseiller, si tu veux? Bob – Tu voudrais? Sérieux? Flavien – Ben si tu veux vraiment avoir des chances, tu vas avoir besoin d’aide… J’veux dire que les autres candidats doivent être forts aussi… J’veux pas dire que t’es pas bon, mais eux yont d’l’expérience… Mais j’pense que si j’t’aide, t’aurais peut-être des chances! Pis pour ce qui est de rester sur la planète, j’aime pas ça contredire le capitaine, mais moi aussi j’pense que c’est à peu près sûr qu’on va rester… Fak oui, Bob, j’vais être ton conseiller!! Deal? Bob – Deal, mon Flavien!! Bob et Flavien se tapent dans les mains en signe de marché conclu. Flavien [plus fort] – Le déjeuner est prêt, tout l’monde!! Les cinq autres membres de l’équipage arrivent de différents coins du campement et les quatre membres humains font la file devant Flavien, qui leur tend leurs assiettes. Ils s’asseoient autour du feu et commencent à manger. Flavien [à Bob, après quelques secondes] – On leur dit tu? Bob – Ben ouais…!! Pendant que tout l’monde est là! Flavien [s’éclaircit la voix] – Heum heum… Votre attention, votre attention s’il vous plait… [Tout le monde le regarde.] Notre ami Bob, ici présent, a, je crois, une nouvelle à vous annoncer. N’est-ce pas Bob? Bob [se lève et se gratte une fesse] – Oui, eh bien je vous annonce officiellement ma décision de me présenter aux élections présidentielles, dès aujourd’hui!! Brad s’étouffe. Brad [sur un ton ironique] – Vous? Vous, vous présenter comme président? Mais voyons donc, vous avez aucune chance!! Une sangsue sénile lobotomisée serait capable de vous battre!! Pour que les gens votent pour vous, y faudrait non seulement qu’y soient stupides, mais en plus qu’yaient subi chacun au moins 20 traumatismes crâniens graves dans leur enfance!! Vous êtes l’être le plus… Capitaine – Brad!! Arrêtez ça!! Si Bob veut se présenter aux élections, ça le regarde!! Je lui ai donné mon accord, il peut faire ce qu’il veut. Bob – Ouais pis en plus, moi j’ai Flavien comme conseiller, pis vous, Brad, vous en avez même pas!! C’t’un gros avantage!! Hein, Flavien? Flavien [pas convaincu] – Ouais, ouais, c’t’un bon avantage… Bob – Vous allez voir, on va les convaincre les électeurs de voter pour moi!! Brad [même ton ironique] – Bonne chance… Valence – Moi, personnellement, je trouve que vous avez tous les deux autant de chances l’un que l’autre… Hein, Petrolia? Petrolia n’est pas convaincue non plus des chances de Bob et est visiblement mal à l’aise, mais Valence la regarde de façon à lui faire comprendre qu’elle veut le rassurer, donc Petrolia joue le jeu. Petrolia [essayant d’avoir l’air convaincu] – Oui, oui, c’est sûr… Bob est fin, honnête, simple… Le monde aime ça!! Valence [se gêne pas] – Pis d’un autre côté, ben Brad peut pas vraiment gagner, chien sale comme yest! On voit que Brad le prend plus ou moins bien, mais qu’il garde quand même son assurance. Valence – Alors Bob, quand comptez-vous appeler Adminarus pour lui soumettre votre candidature? Je crois que c’est à lui qu’il faut en parler…? Bob – Ben j’yavais pas encore pensé, mais j’vais faire ça tout de suite après le déjeuner… Valence – Bien, ça!! Le plus tôt sera l’mieux! Hein, tout l’monde? Silence. On n’entend que les criquets et une corneille. Valence [levant sa fourchette] – Bon… ben à nos deux candidats!! Tous portent le toast, mais seuls Bob, Brad et Flavien le font avec conviction. Tous – À nos deux candidats!! Tous continuent à manger. *** La prochaine fois sera... la fois d'après.
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Écrit par Douce-Amère le Sept 24, 2016 12:05:59 GMT -5
Changement de séquence. Nous sommes quelque temps plus tard, dans la même journée. On présume que Bob a déjà officialisé sa candidature avec Adminarus. Flavien et lui sont assis seuls sur la plage.
Flavien – Bon ben y va falloir commencer à penser à ton programme… Qu’est-ce que t’as l’intention de faire pour te faire élire, Bob? As-tu une p’tite idée?
Bob – Ben j’avais pensé que j’pourrais p’t-être faire construire une usine de pogos sur chaque planète… J’ai remarqué qu’yen avait pas beaucoup… Pis pour l’environnement, peut-être faire pousser des arbres à Drumsticks? Tout l’monde aime ça pis c’est pas cher à entretenir… Faut penser « rentabilité »!!
Flavien – Oui, mais Bob, ça existe pas, des arbres à Drumsticks…
Bob – Même pas transgéniques?
Flavien – Non… Un Drumstick, ça a pas de gènes!!
Bob – Ben d’abord… un arbre à spare ribs?
Flavien – Non plus… De toute façon, Bob, le problème est pas là. Faut qu’tu proposes des choses un peu plus sérieuses, comme des coupures de taxes ou des subventions aux artistes…
Bob – Ouais… Ou une agence de sauvegarde de la faune…
Flavien – Oui…
Bob – …gastrique.
Flavien regarde Bob, des points d’interrogation dans les yeux.
Flavien – Gastrique?!?!?
Bob – Ben comme ça, les gens vont moins investir dans le Pepto Bismol et les p’tites pilules contre les brûlements d’estomac, et vont avoir plus d’argent pour le reste!
Flavien [pas sûr] – Ben… C’t’une façon de voir les choses… On a encore du travail à faire, mais j’pense qu’on est sur la bonne voie!
Bob – Pis pour les artistes, ben on pourrait p’t-être leur faire vendre des actions… C’t’une idée comme ça…
Flavien – Ben voyons donc Bob, des actions… Des artistes, c’est pas des gens d’affaires… Si y s’mettaient à vendre des actions, ça serait l’monde à l’envers! Des clowns en complets 3 pièces!
Bob – Ouais, p’t-être… N’empêche que…
Flavien [se levant] – Entéka, viens-tu manger une crôute? Tu m’as donné faim avec tes histoires de Drumsticks pis de spare ribs…
Bob [se levant à son tour] – Yessir, mon Flav’!!
Flavien – J’avais comme l’impression que tu dirais pas non…
Bob et Flavien se dirigent vers le campement et disparaissent derrière les hautes herbes. Changement de séquence. On voit Valence et Petrolia dans un autre champ, en train de cueillir des fraises. Petrolia semble songeuse.
Petrolia – Valence…?
Valence – Oui?
Petrolia – Qu’est-ce que tu penses vraiment du fait que Brad et Bob se présentent aux élections?
Valence – Ben t'sais… Moi la politique, sur Terre, ça m’a jamais vraiment intéressée… J’trouvais que les candidats étaient toujours une gang de cons… Des menteurs sans scrupules… C’pour ça que j’ai un peu peur que Brad ait des bonnes chances, j’trouve qu’ya un peu l’profil… Le monde ici ont l’air intelligents pis plus brillants qu’les humains, pis j’espère qu’y feront pas la gaffe de l’élire, mais j’ai un peu peur… T'sais que sur Terre yaurait eu des bonnes chances, c’t’homme-là? C’est plate à dire, mais c’est vrai!
Petrolia – Ouain… pis Bob?
Valence – Bob, bien franchement… j’ai pas trop d’espoir. Mais t'sais, y veut tellement bien faire pis ça a tellement l’air de l’rendre heureux que dans l’fond, c’est pas un peu ça qui compte?
Petrolia – Ouais… T’as raison. Pis Flavien a l’air de l’appuyer beaucoup aussi… Comptes-tu voter?
Valence – J’pense pas. J’pourrais voter pour Bob, question de l’appuyer, remarque… Ça pourrait pas lui faire de tort d’avoir quelques votes…
Petrolia – Ouais, j’pense que c’est c’que j’vais faire aussi. C’est toujours mieux que voter pour Brad!!
Valence – Ah ça, c’est sûr!! [Après quelques secondes] Qu’est-ce que tu penses que j’devrais faire avec les fraises? D’la confiture?
Petrolia [après 2 ou 3 secondes de réflexion] – Laisse-moi cuisiner, pour une fois… J’vais t’faire d’la maudite bonne confiture, toi… tu les équeuteras!!
Valence – Mouain… À condition qu’tu dise pas ça parce que t’as peur que j’la rate!
Petrolia [plus ou moins convaincante] – Ben non… Voyons!!
Les deux continuent à cueillir leurs fraises. Changement de séquence. Nous sommes le soir même. La nuit est tombée et tout le monde est assis autour du feu, sauf Serge, qui est allé chercher des guimauves dans la marquise. On voit la scène de derrière lui; il sort de la marquise et s’approche du feu. On entend de plus en plus distinctement Flavien qui joue de la guitare en chantant. Il joue Le blues de la métropole, de Beau dommage, et comme Serge arrive et s’assoit, on entend très bien.
Flavien – J’avais un chum, yétait correct, lui… Mais je l’vois pu, y’est en prison dans l’bout d’Québec… Ya mis une bombe quand ya perdu ses élections… Si j’m’ennuie trop, vous êtes ben mieux, vous êtes ben mieux d’faire attention… Attentiooon…
Tout le monde voit le lien avec la situation et est mal à l’aise, sauf Flavien, trop absorbé dans sa chanson, et Bob, qui entonne innocemment le refrain avec lui.
Bob et Flavien – Mais qu’eeeeest-ce qu’un gars peut faire quand ya pu l’goût de boire sa bière? Quand y’est tanné de jouer à ‘mère avec la fille de son voisin? Tous mes amis sont disparus pis mwé non plus, j’me r’connais puuu… On est dix mille s’a rue St-Paul… avec le bluues d’la métropole…
La chanson continue, mais nous portons maintenant notre attention sur Valence et le capitaine qui, à la lueur du feu, discutent. La tête de Valence est posée sur l’épaule de Charles, qui a mis son bras autour d’elle.
Valence – On est bien ici… hein?
Capitaine – Oui, j’espère qu’on va pouvoir rester… T'sais, c’est pour le bien des Terriens que j’tiens à attendre trois semaines, mais moi aussi j’espère qu’on aura pas à partir…
Valence – Charles, moi aussi j’suis sure que la planète est parfaite.
Capitaine – J’aime mieux pas prendre de chance, Valence… Qu’est-ce qui va arriver si on découvre un problème majeur APRÈS que tous les Terriens soient arrivés?
Valence – Ben… Ouain, t’as un point… Ok d’abord… On va attendre.
On voit que Bob a enfilé environ 15 guimauves sur une branche avec plusieurs ramures et qu’il fait chauffer le tout sur le feu. Cependant, il approche la branche un peu trop près du feu et ses guimauves prennent en feu. Il se lève d’un coup et se met à courir partout en secouant la branche comme un fou pour essayer d’éteindre le feu.
Brad – Si c’était pas si pathétique, on pourrait presque apprécier le spectacle… En tout cas, si y’est aussi bon en campagne électorale que pour se faire chauffer des guimauves, on va rire!
Flavien se lève pour aller aider Bob.
Flavien – Bob, arrête, ça sert à rien de courir partout là… Donne-moi ça.
Flavien prend la branche, la jette par terre et saute dessus jusqu’à ce que le feu soit éteint.
Flavien – Tiens…
Bob regarde avec regrets ce qui fut jadis des guimauves, puis il retourne s’asseoir près du feu.
Valence [baillant] – Bon ben j’pense qu’on serait mieux d’aller se coucher… On a encore une grosse journée demain, et vaut mieux être en forme!
Tous sont d’accord et se lèvent. Flavien et Petrolia sont les derniers. Petrolia commence à se diriger vers les tentes aussi, mais Flavien la retient vers le bras et la ramène près du feu. Ils se rassoient.
Petrolia – Qu’est-ce qu’ya?
Flavien – Petrolia, j’ai pas mal pensé à nos enfants, pis ça m’a donné une autre idée… J’me suis dit que tant qu’à en être là dans notre vie…
Il fouille dans sa poche et en sort quelque chose. Lorsqu’il ouvre sa main, on voit qu’il s’agit d’une bague taillée dans du bois.
Flavien – Comme j’me suis aperçu qu’yavait pas beaucoup de bijoutiers dans l’coin, je l’ai gossée moi-même… C’est mieux que rien… Petrolia… veux-tu m’épouser?
Petrolia, émue, commence à pleurer.
Flavien – J’t’aime, Petrolia, pis je l’sais que j’veux passer ma vie avec toi… Je l’sais qu’ça serait pas une gaffe qu’on s’marie… Au contraire, c’est c’que je veux le plus au monde en ce moment!
Petrolia [la voix pleine d’émotion] – Ben oui Flavien, j’veux…!! C’est sûr que j’veux!! T’avais même pas besoin de l’demander!!
Petrolia se jette dans les bras de Flavien et les deux s’embrassent. Dans l’élan de leur passion, la bague, qui n’était pas encore au doigt de Petrolia, roule et tombe dans le feu… Les deux amoureux s’en aperçoivent et instinctivement, ils commencent à essayer d’éteindre le feu le plus énergiquement possible en jetant du sable, en soufflant dessus, bref en faisant n’importe quoi. Valence les entend et sort.
Valence [un peu endormie] – Huh? T'sais qu’ya des moyens plus tranquilles d’éteindre un feu? Comme par exemple… en le laissant s’éteindre tout seul…? Pas besoin de faire la danse de St-Gui, on est pas une tribu d’Indiens qui essaient de faire venir la pluie…
Flavien [pendant que Petrolia continue] – Heu… Oui, oui, excuse-nous…
Valence – Bon…
Valence retourne se coucher. Petrolia et Flavien abandonnent.
Flavien – Bon, c’est pas grave… De toute façon, c’qu’y reste doit être complètement calciné… J’t’en ferai une autre!! Ça coûte rien, pis elle va être encore plus belle.
Petrolia [se collant sur lui] – Je t’aime, Flavien…
Flavien [la prenant dans ses bras] – Moi aussi, ma belle… Dès qu’on va être sûrs de rester ici, on s’fixe une date, ok?
Petrolia – Ok… Pis même si on reste pas, c’est pas grave, hein?
Flavien [inquiet] – Non, c’est pas grave, mais j’espère vraiment qu’on va rester… J’ai pas envie de partir d’ici…
Petrolia – Moi non plus…
Les deux amoureux se dirigent lentement vers leur tente et disparaissent à l’intérieur de celle-ci. Changement de séquence. Nous sommes quatre jours plus tard. C’est l’après-midi et nous sommes dans le centre du campement. On voit qu’un peu partout, sur les arbres, des affiches électorales ont été posées : environ la moitié sont des affiches de Brad et l’autre moitié des affiches de Bob. On voit leur photo et il y est écrit « Votez Brad » ou « Votez Bob ». Tous les membres de l’équipage sont dehors et s’affairent à diverses choses, sauf Flavien, qui sort de sa tente avec environ 6 ou 7 gros livres. Il va rejoindre Bob, dépose ses livres et s’assoie à côté de lui.
Bob – C’est quoi, ça? Une encyclopédie pour apprendre à bien se débrouiller dans des élections?
Flavien – Non… Ça c’est pour apprendre les chants d’oiseaux en braille et en 18 dialectes de serbo-croate… ÇA, Bob, c’est un guide à suivre pour gagner des élections.
Sur ce, il sort de sa poche un petit pamphlet d’environ 5 ou 6 pages.
Bob – C’est juste ça?!?
Flavien – C’est pas compliqué, Bob, ya juste 3 ou 4 choses qu’y faut qu’tu retienne… Regarde…
Notre attention se porte maintenant sur Serge et Petrolia, un peu plus loin. Petrolia n’a visiblement pas encore fini ses ajustements sur Serge.
Serge-8 – Voulez-vous d’la salade de chou, Madame, avec ça?
Petrolia – Serge… Serge?
Serge-8 – Oui?
Petrolia – T’es-tu rendu compte que ce que tu viens d’me dire a pas d’sens?
Serge-8 – Oui, Petrolia, je l’sais… Mais c’était plus fort que moi…
Petrolia – Bon… Ben au moins tu l’sais, c’est mieux que rien. Sinon, faudrait presque écrire à Ben Poulets-zé-Dindes pour leur dire qu’on vient d’leur trouver un nouveau porte-parole… En 24 heures, tu m’a demandé si j’voulais des ailes de poulet extra-piquantes, un combo cuisse-poitrine, un hot chicken du chef pis d’la salade de chou!! Sans compter ton speech de gars du service à l’auto!! Si y t’payaient pour faire ça, tu serais riche!!
Serge-8 – Oui, mais justement, y m’payent pas… Pis moi j’commence à m’taper sur mes propres nerfs, alors que j’ai pas d’nerfs, donc fais quelque chose!
Petrolia – Ben oui, fais-toi en pas… J’y suis presque, juste quelques boulons à resserrer…
Elle ressert un boulon.
Serge-8 – Un cheveu sur votre soupe? Monsieur, nous sommes absolument désolés… J’vous en apporte une autre!!!
Petrolia – Ouain ben p’t-être pas c’te boulon-LÀ…
Serge-8 – Non hein, p’t-être pas!!
Le capitaine arrive.
Capitaine – Et puis, comment ça avance?
Petrolia – Bof… ya fait une rechute de « poulèzédindite aigue », mais j’vais yarriver…!!
Capitaine – Bob doit aimer ça!!
Petrolia – Ben j’ai défendu à Serge d’aller le tenter…
Serge-8 – Heille, j’fais pas exprès!!
Petrolia – Je l’sais Serge, mais quand même, essaie…
Petrolia se repenche sur les boulons de Serge. Le capitaine se dirige vers Bob et Flavien.
Capitaine – Hey, les boys!!
Flavien – Salut, Capitaine!!
Capitaine [pointe les livres] – C’est quoi, ces briques-là?
Flavien – C’est des livres pour apprendre les chants d’oiseaux en braille et en serbo-croate, dans la galaxie Koshissi. Voulez-vous j’vous fasse une démonstration?
Capitaine – Pourquoi pas?
Flavien – J’vais vous montrer un exemple de serbo-croate, parce qu’ya pas l’air d’avoir beaucoup d’oiseaux ici qui chantent en braille… C’est pas très utile… Mais en serbo-croate, le chant du geai bleu, par exemple, c’est : « skasjiri skasjiri skasjiri sveee... »
Au loin, on entend un geai bleu répondre à Flavien.
Geai bleu - « Skasjiri skasjiri skasjiri sveee... »
Capitaine – Wow, Flavien… Impressionnant!! Vous allez peut-être un jour devenir un grand ornithologue koshissien!! Surtout avec votre ouïe, vous allez pouvoir les entendre de loin!!!
Bob – Un grand ornitho quoi?
Soudain, d’un peu plus loin, on entend…
Serge-8 – TYPE SAUUUUUUCE!!!!
Bob – Hmmm… Sauce… [puis, plus fort, à Serge] Amène-moi z’en donc un extra!!!
Capitaine – Bob, avez-vous commencé à préparer votre discours pour ce soir?
Flavien – Ouain, faudrait s’y mettre sérieusement… Brad a l’air de s’préparer pas mal!
Flavien montre Brad du menton. Celui-ci est assis un peu plus loin et penché sur une feuille. Il prend des notes et réfléchit.
Bob – Oui, j’vais penser à ça…
Flavien – Parce que c’est dans… [regarde sa montre] 4 heures!!
Capitaine – Bon ben bonne chance, hein!! On se reparle tantôt!
Bob et Flavien – Bye, Capitaine!
Le capitaine s’éloigne.
Bob – De quoi tu penses que j’devrais parler, Flavien?
Flavien – J’sais pas… Parle de démocratie, de droits de la personne, d’amélioration des soins de santé, d’environnement…
Bob – Ouais…
Flavien – Y faut que tes électeurs sentent que t’es de leur côté pis que tu veux c’qu’ya de mieux pour eux!! Y faut qu’y sentent que t’es capable de prendre des bonnes décisions pis qu’avec toi au pouvoir, la galaxie va être entre de bonnes mains!!
Bob – Ouain… J’pense que j’vais être capable de faire une pas pire job!!
Flavien – Tant qu’tu fais ça, tout devrait bien aller.
Bob – C’est pas dûr, dans l’fond!
Flavien Ben non, Bob, c’est super facile! Regarde…
Flavien ouvre le pamphlet sur l’art de se présenter à des élections et Bob et lui se penchent dessus. Changement de séquence. Nos sept vaillants compagnons sont en train de souper autour de leur grande table dans le centre du campement. Le capitaine se lève pour porter un toast.
Capitaine – Hum, hum. J’aimerais porter un toast à nos deux candidats aux élections, Brad et Bob, qui prononceront ce soir leurs discours officiels de campagne. Je leur souhaite à tous deux bonne chance : à Bob parce que ça serait l’fun pour lui qu’il gagne, et à Brad parce que si on doit partir, ça nous permettrait d’être débarrassés de lui pour de bon.
Brad semble un peu triste de ces paroles.
Capitaine – Ce soir est un soir important où tout pourrait se jouer. Cher ami… et Brad, nous sommes avec vous. À Bob et à Brad!!
Tous – À Bob et à Brad!!
Ils portent le toast.
Valence – Mais faut pas oublier qu’y seront pas seuls, ya aussi les frères Hayeull…
Brad [sûr de lui] – Bah… J’suis confiant, j’suis bien préparé… Je suis nouveau, ma réputation est pas entachée, je suis bel homme et j’ai des arguments convaincants…
Petrolia – Bel homme, mettons… Pour une chèvre en rut, vous seriez p’t-être cute…
Brad – Dites c’que vous voulez, mais je sais que j’ai du charme à revendre.
Bob – Moi j’pense que c’est pas important, de toute façon… C’qui compte, c’est c’qu’on dit!
Brad – C’qu’on dit! Ouais!! J’ai bien hâte de vous voir essayer d’les acheter à coups d’pogos!! On va rire!!
Capitaine – Bon… Calmez-vous. On verra ce soir, hein! D’ici là, mangeons.
Flavien [en mangeant] – N’empêche que c’est vrai qu’ce soir, ça va être décisif… C’est souvent ces discours-là qui permettent aux électeurs de s’faire une idée!
Capitaine – C’est vrai, d’où l’importance d’être bien prêts… C’est votre cas?
Brad – Absolument, j’pourrais pas être plus prêt!!
Bob – Moi non plus, j’sais exactement c’que j’vais dire!!
Capitaine – Bon, et bien tant mieux!!
Petrolia – Y faut qu’on soit sur Mackenzie 15 pour quelle heure donc?
Brad – 19 heures…
Valence – Bon, ben faudra pas trop prendre de temps pour manger…
Comme Valence dit cela, les autres regardent l’assiette de Bob et voient qu’elle est déjà vide.
Valence – Ben c’est sûr que pour Bob, c’est pas un problème. Les autres, mangez!!
Bob [après quelques secondes] – Capitaine, si on était en ville, est-ce qu’on appelerait quand même ça une « campagne électorale »?
Capitaine – Ben oui, Bob… C’est pas « campagne » dans l’sens de « contraire de la ville »! C’est « campagne » dans l’sens de… ben… dans l’autre sens…!!
Bob [songeur] – Ah… Mais pourquoi on appelle ça une « campagne »?
Capitaine [coincé] – Heu… Ben parce que si on disait « ville électorale », « forêt électorale » ou « côteau électoral », ça serait moins beau, pis le monde comprendrait rien!
Bob – Qu’est-ce qu’yont contre les villes?
Capitaine – Yont rien contre les villes… Laissez-moi mangez, là, qu’on en finisse!!
Bob – Ok… [quelques secondes de silence] Capitaine…?
Capitaine [tanné] – Oui, Bob?
Bob – Ah… Non, rien, j’viens de comprendre…
Capitaine – Ah, bon…
Bob – Oui, mais capitaine, vu qu’à soir on va faire nos discours à Joradica, est-ce qu’on peut dire que Joradica est une ville électorale?
Capitaine [ne lève pas les yeux et réfléchit deux secondes] – Oui, disons qu’on peut dire ça…
Bob [satisfait] – Bon. [Après encore quelques secondes.] Donc, Mackenzie 15 est une planète électorale.
Capitaine – Oui, tout comme Koshissi est une galaxie électorale et tant qu’à faire, le champ dans lequel nous sommes est un champ électoral, Lévesque 118 est aussi une planète électorale et l’univers au complet est un univers électoral!
Bob [trouve le capitaine bête] – Vous êtes pas obligés d’me répondre bête, j’faisais juste demander…
Brad – Bon, ben moi j’proposerais qu’on yaille, y commence à être l’heure…
Valence – Oui, j’suis d’accord. On ramasse et on y va?
Les 6 autres acquiescent. Il se lèvent et commencent à tout ramasser. Changement de séquence. Nous sommes sur Mackenzie 15, sur une très grande plaine. Des gradins pleins à craquer font face à une tribune sur laquelle sont installés cinq lutrins, quatre pour les candidats et un pour l’animateur. Bob et Brad sont à droite, l’animateur est dans le milieu et les deux autres candidats, Spétté et Klax Hayeull, sont à gauche. Les frères Hayeull et l’animateur sont dans la jeune cinquantaine. La foule se tait un peu comme l’animateur prend la parole.
Animateur – Bienvenue à tous à ce moment tant attendu, les discours officiels de la Campagne électorale présidentielle 2039 de la galaxie Koshissi!!!!!
La foule en délire applaudit, siffle et crie.
Animateur – J’ai l’immense honneur de vous présenter nos quatre candidats de cette année : à ma droite, messieurs Spétté et Klax Hayeull et à ma gauche, messieurs Bob Dieudonné Marcellin et Brad Spitfire!!! On les applaudit!!!
Parmi le public, on voit le capitaine, Valence, Petrolia, Serge et Flavien.
Valence – J’trouve que ça ressemble à un jeu questionnaire à la télé… C’est vrai, un peu plus pis y leur demande de tester leurs buzzers…
Animateur – Sans plus attendre, donnons le coup d’envoi aux discours. Et pourquoi pas commencer, tiens, par nos deux nouveaux venus de cette année, messieurs Spitfire et Dieudonné Marcellin!! Vous êtes tous deux dans la galaxie depuis peu de temps, n’est-ce pas Monsieur Spitfire?
Brad – En effet!! Juste assez pour voir à quel point elle est magnifique et accueillante!!
Animateur – Eh bien merci, merci… Alors, Monsieur Spitfire, que souhaitez-vous dire à vos électeurs? Quel message voulez-vous leur faire? La parole est à vous!!
Brad – Merci… Eh bien, chers électeurs, s’il est vrai que je suis ici depuis fort peu de temps, la galaxie Koshissi, ma nouvelle terre d’accueil, m’a séduit dès le premier coup d’œil. Dès le premier jour où j’ai posé le pied sur la terre fertile de Mackenzie 15, j’ai compris à quel point cette galaxie était riche : non seulement riche de verdure et d’air pur, mais aussi riche de par ses habitants, des gens honnêtes, intègres, accueillants et aimants. Votez pour moi, chers amis, et je vous promet un environnement plus propre, plus sain et sans pollution. Je veillerai personnellement à ce que le ciel reste bleu et à ce que rien ne vienne salir l’eau des lacs et des rivières. Un vote pour Brad Spitfire, c’est un vote pour la santé : plus jamais de listes d’attente dans les hôpitaux, des médecins plus compétents, 3 fois moins d’attente à l’urgence et des soins gratuits pour TOUS!! Avec moi, vous saurez c’est quoi, une VRAIE démocratie!! Un monde où TOUS aurons les mêmes droits, où l’égalité sera la principale valeur, un monde où la paix et l’harmonie règneront!! Plus jamais de guerres!! Chers Koshissiens et Koshissiennes, prenez la bonne décision!! Pour un avenir flamboyant, prometteur et un bonheur sans tache, votez Brad Spitfire!!! Merci!
La foule est à nouveau en délire, peut-être un peu plus fort que tantôt. On voit à nouveau les cinq membres de l’équipage dans la foule.
Petrolia – Ben faut quand même avouer qu’ya du talent pour ça…
Les autres acquiescent un peu à contre-cœur.
Animateur – Merci beaucoup, Monsieur Spitfire, de ce beau discours!! Il nous aidera sans aucun doute à prendre notre décision!! Maintenant, allons voir ce que monsieur Dieudonné Marcellin a, lui, à dire à ses électeurs!!Monsieur Dieudonné Marcellin, la parole est à vous!
Bob – Merci beaucoup!! Eh bien, chers amis, je n’ai peut-être pas le verbe de monsieur Spitfire, ni son nom commun, ni ses belles phrases convaincantes, mais voter pour moi, c’est une valeur sure!! Avec moi, vous allez voir que ce n’est pas l’argent qui compte!! C’est ce qu’on a en dedans de nous! Chers électeurs, si vous votez pour moi, je vous promet de changer notre environnement pour le mieux en faisant pousser des arbres partout, même dans les océans!! De plus, comme je me suis fixé pour priorité de veiller à ce que personne ne manque de rien, et comme un bon ami à moi m’a dit qu’on ne pouvait pas compter sur les arbres pour cela, TOUT poussera dans les champs!! TOUT!! Des fruits aux pogos, en passant par le chocolat et les T-Bones!! Mais PAS l’argent!! Non!! L’argent ne poussera nulle part, mes amis, car l’argent, ce n’est pas important!! Ce qui compte, c’est l’amour et la paix!! Mais vous savez, dans la vie, il n’y a pas que l’amour et la paix : il y a aussi la santé!! Mes chers électeurs, je vous promet, si vous m’élisez, de faire en sorte que vous ne soyez JAMAIS malades!! Je vaporisai constamment des litres d’antibiotiques anti-virus très forts dans l’air pour qu’il n’y en ait plus, de virus bien sûr, et vous serez en santé pour toujours!! Plus besoin de médecins!! Plus besoin d’hôpitaux!! Un vote pour moi, c’est donc un vote pour l’environnement, la nourriture à profusion et la santé et bien sûr, un monde où l’amour et la paix l’emporteront sur l’argent!! Le jour des élections, ne me décevez pas! Ne VOUS décevez pas!! Votez Bob Dieudonné Marcellin!! Merci.
La foule applaudit… un peu. On entend un ou deux « wouhou ». Les électeurs sont sceptiques… Allons voir vos 5 autres amis. Flavien a les mains dans le visage et semble découragé.
Valence – Ouais ben, c’tait… franc?
Serge-8 – Voulez-vous la carte des vins?
Flavien [assourdi par ses mains] – C’est fini…
Capitaine – Ben non, Flavien, faut pas s’en faire… Car, comme l’a dit Cléopâtre avant de se donner la mort : « Une de perdue, dix… qui devront la retrouver ».
Valence, Serge, Flavien et Petrolia le regardent, l’air dubitatif et incertain de la pertinence de ce dicton. Changement de séquence. Nous sommes le soir même, après les discours, autour du feu de camp. Tous mangent des guimauves.
Bob – Pis, mon discours, yétait-tu pas pire?
Brad – Vous étiez minable…
Flavien – …minable pour mentir!! T’étais minable pour mentir, Bob, ça veut dire que le monde t’ont trouvé super sincère pis qu’yont vu que tu disais la vérité pis qu’tu voulais pas leur mentir, pis c’est excellent!!
Brad – Tsss… Foutaises… Vous avez vraiment fait un fou…
Flavien [le coupant] – …un foutu de bon discours!!! Tu leur en a mis plein la vue!! J’te l’dis, Bob…
Bob – Mais d’abord, pourquoi ya dit : « foutaises »?
Brad – Parce que vous étiez TROP pourr…
Le capitaine, assis à côté de Brad, se tanne et donne un coup sur l’épaule de Brad avec le côté de sa main.
Capitaine – Non, Brad!!
Brad s’écroule par en arrière.
Capitaine – Bob, s’il a dit « foutaises », c’est parce que Brad… est jaloux!! Voilà!! Il aurait aimé réussir son discours autant que vous!! N’est-ce pas, tout l’monde?
Les cinq autres acquiescent, ou font semblant : bref, la conviction n’y est pas.
Valence – C’était bien, c’était bien… Vraiment! Je persiste à dire que la franchise est une vertu!! Les gens apprécient qu’on leur montre nos vraies couleurs!!
Petrolia – C’est vrai que pour avoir été sincère, tu l’as été!! Tu leur a rien caché, c’est parfait!! T’as joué franc jeu!!
Bob – Ben j’ai p’t-être un peu exagéré… Faire pousser des T-Bones, ça serait un peu dûr, on aura juste à tuer nos bœufs nous-mêmes… Pis une p’tite exagération comme ça, ça devrait pas les déranger beaucoup, hein?
Valence – Non, bien sûr…!!
Bob – Pensez-vous que Brad va mal le prendre si j’le bat?
Un ange passe. Quelques tisons crépitent.
Flavien – Heu, non… J’pense pas, pas trop…
Bob affiche une mine déçue.
Flavien – J’veux dire oui!! Oui, y va vraiment mal le prendre! Le connaissant, ça m’étonnerait même pas qu’yen fasse une dépression!!
Bob affiche une mine réjouie.
Petrolia – Y devrait commencer à sortir ses antidépresseurs tout de suite, hein?
Valence – Oui!! J’allais justement le dire!!
Flavien – Bon, ben on va tu se coucher? On a eu une grosse journée, chu fatigué…
Petrolia – Bonne idée!!
Capitaine – Ouais!!!
Tous se lèvent et se dirigent vers leurs tentes. Flavien et Serge portent Brad dans la sienne.
Valence – Bonne nuit, tout l’monde!
Les 5 autres conscients – Bonne nuit!!
On suit Valence et le capitaine, qui entrent dans leur tente et commencent à se préparer pour la nuit.
Capitaine – Est-ce que c’est vraiment nécessaire de flatter Bob dans l’sens du poil autant que ça? C’est vrai, Valence, qu’y s’est planté comme y faut pis que son discours a produit à peu près le même effet qu’une performance des Classels en première partie de Megadeth! On devrait pas plutôt essayer de lui dire doucement la vérité?
Valence – Charles, on est pas pour y dire carrément qu’ya pas été bon… Des plans pour y scraper toute sa confiance en lui! Ya pas besoin de ça!! Dans 2 ou 3 jours, peut-être qu’on pourrait essayer d’y faire voir la réalité… Mais yé encore trop tôt!! C’est pas grave de le rassurer comme on le fait, c’qu’on sait pas peut pas nous faire de mal… Hein?
Capitaine [se couchant] – Ouain, t’as p’t-être raison… Penses-tu que Brad a des chances?
Valence [se couchant aussi] – Malheureusement, j’pense que oui… Ya dit exactement au monde s’qu’y voulaient entendre, l’histoire a montré que ça marchait… Tant que les élections seront pas finies, on pourra pas savoir, mais j’ai peur qu’y gagne, j’l’ai trouvé fort ce soir…
Capitaine – Ouain… En tout cas, on verra bien… Seul l’avenir nous le dira… Que sera sera… Nul n’est maître de son destin… Et patati… et… patata…
Valence – Bon… Bonne nuit, mon amour.
Capitaine – Bonne nuit, mon ptit sucre d’orge.
Ils s’embrassent et Valence éteint leur lampe de poche, les plongeant dans l’obscurité totale.
***
Suite quand vous aurez fini de tout lire (j'me trouve drôle).
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Écrit par Douce-Amère le Sept 30, 2016 19:09:43 GMT -5
Changement de séquence. Nous sommes deux jours plus tard, le matin. Brad et Valence sont dans le centre du campement. Brad est assis devant son ordinateur portable et Valence étend des vêtements pour les faire sécher. Le capitaine sort de la forêt et se dirige vers elle.
Valence – Regarde mon p’tit apprenti coureur des bois… [sur l’air de Daniel Boone] Charles Pat’naude, c’est son nom, on le chaaaante!! Et puis, croisé un wapiti?
Capitaine – Non, pas encore… On a pas encore de panache à mettre sur le hood du vaisseau!! Les orignaux, les chevreuils et les wapitis doivent être plus au Nord… Ou à l’Ouest… Ou en tk… [après une ou deux secondes] C’est vraiment beau ici, Valence, j’m’ennuyais de la nature.
Valence – Assez beau pour… qu’on reste?
Capitaine – Ben faut j’t’avoue que ça r’garde bien en môsus… C’est sûr qu’on a pas pu explorer beaucoup de terrain à pied jusqu’à date, mais si la tendance se maintient, dans exactement 12 jours, on devrait appeler les Terriens pour leur dire de commencer à paqueter!!
Valence – Mais…?
Capitaine – Mais, comme j’te dis, on a pas encore pu aller ben loin. On devrait organiser une expédition d’au moins 2 ou 3 jours, pour aller voir.
Brad [se relevant de son ordi] – Ah, j’pourrai pas yaller…
Capitaine – Et pourquoi, Brad? Vous avez pourtant été dans les Scouts, vous en seriez pas à votre première expérience?
Brad – Parce qu’y faut que j’me prépare pour les élections, c’est dans une semaine flush…
Valence [avec fausse confiance] – Vous préparer à quoi, à vous faire torcher…?
Brad – À gagner, vous saurez! J’suis presque sûr de l’emporter, j’les ai mis dans ma poche avec mon discours d’hier… Toujours est-il que j’peux pas partir en expédition parce qu’y faut justement que j’me prépare, et de toute façon, y faut que quelqu’un reste ici pour garder le camp.
Capitaine – C’est ça, on va faire garder le camp par un p’tit con qui hurle quand y voit une crotte de fromage passée date pis qui passe proche de faire une crise cardiaque quand y s’fait piquer par un maringouin!! Bon… De toute façon, j’peux pas dire que ça m’dérange énormément que vous veniez pas, ça va nous donner un break de vous… Pis c’est vous le pire, vous allez être seul ici!
Brad [revenant à son ordi] – Bof, m’dérange pas!
Capitaine – Alors y reste juste à en parler aux autres… Où sont-ils, d’ailleurs?
Comme le capitaine termine sa phrase, on voit Bob, Flavien et Serge revenir de la plage. Ils portent leurs cannes à pêche et des poissons.
Capitaine – Tiens, la pêche a enfin porté fruits!!
Bob – Pas « fruits », Capitaine, « poissons ».
Flavien – C’t’une façon de parler, Bob… [se tournant vers le capitaine] Oui, on a fait une bonne pêche!!
Capitaine – Tant mieux!! Savez-vous où est Petrolia?
Serge-8 – Mon état est pas si pire que ça, ça fait un bon 12,236 heures que j’ai pas dit quelque chose en rapport avec Ben Poulets-zé-Dindes…
Capitaine – Non, non, on la cherche pas pour ça… Ya quelque chose que j’aimerais vous dire à tous…
Flavien – Non, on l’a pas vue!
Bob – Est p’t-êt’ partie magasiner!!!
Capitaine – Magasiner où, Bob?
Bob – Ben voyons, dans des magasins!
Valence – Et des magasins tenus par qui? On est seuls, sur la planète, Bob…
Bob – Ben p’t-êt’ qu’elle s’est ouvert un magasin pis qu’elle magasine dedans!! Ou ben on sait pas, p’t-êt’ que les ours, ici, sont super civilisés, comme dans La planète des singes, pis qu’yont des magasins dans lesquels y vendent des manteaux d’fourrure…
Bob affiche la mine du gars qui ne se trouve pas bête.
Brad – Pis ça pense que ça peut devenir not’ président…
Le capitaine décoche un regard furieux à Brad.
Valence – Sérieusement, a doit pas être bien loin. On va l’attendre!!
Flavien tend l’oreille.
Flavien – Ah ah!! J’ai entendu des branches craquer par là-bas!! [Pointe devant lui.] Ça doit être elle.
Serge-8 – Oui, mais elle pourrait être à 50 kilomètres et tu l’entendrais quand même…
Valence – C’est beau, l’amour…
Serge-8 – J’parlais d’son ouïe extra-terrestre, mais oui, c’est beau quand même!
Flavien – Ben non, est pas loin…
Flavien se dirige dans la direction qu’il a pointée. Les autres le suivent, sauf Brad, bien sûr, qui reste assis devant son ordi et semble s’en foutre éperdument.
Flavien – Petrolia?
Flavien, le capitaine, Valence, Serge et Bob entrent dans le bois et continuent à marcher.
Flavien – Petrolia, es-tu là?
Tout à coup, une main sort d’un buisson à la hauteur du sol et prend la cheville de Flavien. C’est celle de Petrolia.
Flavien – AAAAaaahh…
Petrolia [cachée dans le buisson] – Chhhh…
Flavien [plus bas] – Petrolia? Qu’est-ce tu fais là?
Petrolia -- J’essaie d’apprivoiser un raton laveur, r’garde...
Petrolia fait signe aux autres de se pencher et ils le font. Elle leur montre, à environ 2 mètres d’elle, une boule de poils qui se trouve être un raton laveur (même si, de loin, c’est plus ou moins clair).
Valence -- Comment tu sais que c’t’un raton?
Petrolia -- Ben tantôt, j’l’ai vu de plus proche et j’ai vu qu’c’en était un.
Valence -- Puis... depuis combien de temps vous connaissez-vous?
Petrolia -- Environ deux jours... J’l’ai découvert en me promenant et j’ai tout de suite trouvé sa binette sympathique. Pis pour pas devoir l’appeler tout l’temps « raton », j’ai décidé de le baptiser Roger-Émilien Dupuis-Brodeur.
Flavien la regarde.
Flavien -- T’as jamais pensé écrire un livre de prénoms?
Valence -- Ben coudonc, c’est... Ça a d’la classe!! Avec un nom comme ça, y pourrait presque devenir premier ministre!
Flavien -- Ou chanteur soliste d’un groupe country...
Bob -- Un raton laveur qui chante du country... [Il ne trouve pas ça bête].
Flavien -- Mais tu trouves pas ça un peu long? Si tu veux l’appeler pis qu’y reconnaisse son nom, faudrait que tu lui trouve un diminutif!!
Petrolia -- Ouain, c’est vrai... Qu’est-ce que vous penseriez de Rodgem?
Valence -- Bof... Ça sonne « compagnie de téléphones »...
Petrolia -- Ouain, peut-être... Disons Remdu?
Capitaine -- Non, c’est pas beau...
Petrolia -- Ben j’sais pas d’abord... J’aurai juste à l’appeler Roger!
Flavien -- Qui, dans ta famille, s’appelle Roger-Émilien?
Petrolia -- Personne, c’téait mon ami imaginaire...
Flavien [semblant la trouver un peu folle] -- Ah...
Valence [qui en a vu d’autres] -- Ah, les amis imaginaires... C’est un phénomène fréquent chez les enfants qui vivent loin d’une société organisée, comme Petrolia... J’ai une cousine qui vivait à St-Archimède-du-Puits-Gagnon-Dent-de-Lait dans l’temps du 2e grand retour à la terre, pis c’était tellement isolé que ça prenait 2 jours d’avion pour aller chez le voisin le plus proche... J’peux-tu vous dire que cet enfant-là avait pas beaucoup d’amis? Ça fait qu’elle avait deux amis imaginaires, Picolo et Réginald le plombier. Le jour où Réginald a fait un burn out pis qu’yest parti parce qu’yétait pu capable d’avoir deux jobs, elle l’a ben mal pris...
Bob -- Retour à la Terre?!? Quand??
Valence -- Ben non Bob, pas Terre dans c’sens-là...
Bob -- Ah...
Petrolia -- Moi non plus j’avais pas d’amis à part Serge et Roger-Émilien Dupuis-Brodeur... J’avais pas l’choix, dans l’espace! Alors j’ai nommé mon raton Roger-Émilien Dupuis-Brodeur en souvenir de mon ami!!
Capitaine -- Bon... C’est bien touchant, tout ça, mais on vous cherchait parce que j’ai quelque chose d’important à vous dire, ou plutôt à vous proposer. Retournons au campement, ça va être mieux!
Tout le monde se lève, Petrolia dit aurevoir à son raton et tous se dirigent vers le campement.
Petrolia [pleine d’espoir] -- Brad est pas là, coudonc? Dites-moi pas qu’y y’est arrivé quelque chose de grave pis que c’est ça que vous voulez nous annoncer?
Capitaine -- Non, Brad va bien, il voulait juste pas venir...
Petrolia [déçue] -- Aaahh...
Ils arrivent dans le campement et se tirent des bûches.
Flavien -- Alors, Capitaine, qu’est-ce que vous voulez nous dire?
Capitaine -- Eh bien, mes amis, je me suis rendu compte que depuis notre arrivée sur la planète, nous n’avions pas eu beaucoup le temps de l’explorer. Toute cette histoire d’élections a pris beaucoup de notre temps et si nous voulons être certains que Lévesque 118 est la planète idéale, nous devrions nous y mettre et commencer à l’étudier sérieusement. Je propose donc que nous partions dès demain en expédition pour deux ou trois jours au moins.
Petrolia -- Dans quelle direction, Capitaine?
Le capitaine, d’un air sérieux, pointe dans une direction. Tout le monde regarde dans cette direction.
Capitaine -- Par là-bas!
Flavien -- Pas qu’on s’fait pas de fun, mais à la longue ça devient un peu lassant de pointer n’importe où en disant ça tout l’temps...
Capitaine [le concédant] -- Ouain, c’est vrai... [pointe dans une autre direction] Alors, à... l’est!!
Valence [pointant dans une tout autre direction] -- Charles... C’parce que l’est, c’est par là-bas...
Capitaine -- Aaah... [change de direction] Alors, à l’est!!
Bob -- Mais pourquoi à l’est? Parce que la mer est pas à l’est?
Capitaine -- Un peu, oui... mais aussi parce que... parce que c’est à l’est que se lève le soleil, et avec le soleil se lève la vie, et comme se lève la vie se lève l’espoir, l’espoir d’emménager sur cette belle planète... Car vous savez, comme disait l’autre... [commence à chanter] Viens!! Un nouveau jour va se lever et son soleil brillera pour la majorité qui s’éveille...
Flavien se bouche les oreilles et pousse une longue plainte.
Flavien -- Aaaaaahhh...
Capitaine -- Ben là... Je l’sais qu’chu pas bourré de talent pour la chanson, mais faudrait pas exagérer...
Flavien -- Non, c’est pas ça... Je sais pas c’qui m’a pogné, un réflexe on dirait... J’m’excuse, j’sais vraiment pas d’où ça sortait...
Capitaine -- Bon. Toujours est-il que si vous êtes d’accord, on pourrait partir demain à l’aube.
Serge-8 -- Oui, faudrait bien qu’on explore, c’est vrai. Mais Capitaine, vu qu’on connait pas la région, justement, si on part, comment on va faire pour retrouver notre chemin?
Petrolia -- Ouain, c’est vrai ça...
Bob -- On pourrait faire comme Hansel et Gretel pis semer des miettes de pain...
Capitaine -- Bob... Qu’est-ce qui est arrivé à Hansel et Gretel après qu’y sont partis?
Bob -- Ben y se sont perdus...
Capitaine -- Et...?
Bob -- Yont rencontré une madame qui avait une maison en bonbons...
Capitaine -- Et...?
Bob -- C’était une sorcière pis elle a essayé de les manger, mais y s’sont pas laissés faire pis y se sont sauvés!!
Brad [sans lever les yeux de son ordi] -- En tout cas vous, elle aurait pas eu besoin d’se forcer pour vous engraisser...
Bob -- Mais de toute façon Capitaine, ayez pas peur, ça existe pas des sorcières...
Valence -- Le fait est, Bob, que les oiseaux ont mangé les miettes de pain pis qu’après, yen avait pu... Pis si on essaie de faire pareil, y va nous arriver la même chose, comprends-tu?
Brad -- À moins que ce soit Bob lui-même qui ait faim pis qu’y soit assez con pour venir les manger...
Valence, le capitaine, Serge, Petrolia et Flavien regardent Brad d’un air pas content.
Bob -- C’est vrai que ça me briserait le coeur de sacrifier du beau pain comme ça aussi...
Valence -- Pis tant qu’on a pas trouvé un moyen de retrouver notre chemin, on peut pas partir.
Capitaine -- Ouais, j’avais pas pensé à ça.
Flavien -- On a juste à nous laisser des points de repaire sur le chemin, qui ont des chances de rester là...
Petrolia -- Du foie de veau?
Regards dubitatifs.
Petrolia -- Ben quoi, même les animaux mangeraient pas ça...
Brad -- Tant qu’à ça, vous avez juste à mettre des créations culinaires de Valence!
Valence -- Brad Spitfire!! Un, vous avez même pas l’intention de venir alors mêlez-vous de c’qui vous regarde, pis deux, vous saurez que j’cuisine pas si mal que ça, c’est juste mon style qui n’est pas à la portée de tous. Ma cuisine est unique.
Petrolia -- Ah ça, pour être unique...
Brad -- « Unique » dans l’sens que vous êtes originale ou « unique » dans l’sens que personne cuisine aussi mal que vous?
Valence -- Bob, lui, aime ma cuisine!!
Flavien -- Ouais, mais Valence, Bob ya pas grand chose qu’yaime pas, mettons.
Valence [dont la colère devient épeurante] -- Tu vas pas m’dire que toi aussi...??
Flavien [apeuré] -- Non!! Non, non, ta cuisine est spéciale, c’est tout... C’t’une qualité!!
Valence [se calme] -- Bon. J’veux pu en entendre parler! On la planifie-tu, c’t’excursion-là?
Flavien -- Ouais... J’pense à ça, vu que justement on est pas encore vraiment sortis du campement, ya théoriquement pas de sentiers nulle part, la forêt est vierge... Donc, on a juste à créer un sentier au fur et à mesure et à la fin, pour revenir, reprendre le sentier à rebours!! C’est pas compliqué!!
Bob essuie quelques gouttes de sang qui coulent de son nez et le capitaine lui tend un mouchoir.
Capitaine -- Ouais ben c’est une idée...
Flavien -- Pis rendus à une certaine distance, on pourrait se diviser en trois équipes de deux pis partir chacun dans une direction en continuant de faire des sentiers. Après, on revient et on reprend le sentier principal. Vous m’suivez?
Bob -- On t’suit jusqu’à c’qu’on fasse les équipes!!
Flavien [pas sûr] -- Ouain... Ben en tout cas, Bob, ça prouve que t’as compris!
Petrolia -- Moi j’trouve que c’est une bonne idée!! Faudrait juste décider quand est-ce qu’on fait demi-tour pour revenir au campement.
Capitaine -- Moi j’suis pas d’accord pour qu’on se sépare. Si on est juste en équipes de deux pis qu’une équipe a des problèmes, c’est dangereux... J’aimerais mieux qu’on reste les six ensemble, pis au pire on fera juste un sentier. C’est assez. On s’trouvera une clairière pour dormir!
Flavien -- Ouais, ça pourrait faire...
Capitaine -- C’est certain qu’on va pouvoir explorer moins de territoire comme ça, mais au pire, on retournera nous promener plus tard. Tout l’monde est d’accord?
Flavien, Bob, Petrolia, Serge et Valence acceptent.
Capitaine -- Bon. Demain matin, après le déjeuner, on part, et on revient après-demain. Ça devrait suffire. Allez commencer vos bagages et sortir deux tentes pour trois de la marquise.
Bob -- La quoi?
Capitaine -- La marquise... la grosse tente... [Bob garde la même expression.] Le garde-manger...
Bob [se réveillant] -- Aaaahhh!! Ok, Capitaine!!
Tous sauf le capitaine se dirigent vers leurs tentes et Bob va vers la marquise. Le capitaine se dirige vers Brad et s’assoit.
Capitaine -- Vous êtes sûr que vous voulez pas venir, Brad? Vous allez trouver ça plate tout seul ici...
Brad -- Bof, j’suis bien capable de m’débrouiller pour passer le temps... Pis j’peux aller pêcher...
Capitaine -- Si vous l’dites! On sera pas parti longtemps de toute façon...
Brad -- C’est c’que j’me dis.
Capitaine -- Si jamais y faut qu’on quitte la planète, qu’est-ce vous allez faire?
Brad ferme son ordi, le dépose par terre et se tourne vers le capitaine.
Brad -- Capitaine, premièrement vous partirez pas parce que je suis intimement persuadé que la planète est parfaite. Alors on a pas besoin de se poser cette question-là, mais si jamais vous deviez partir, ça arrivera pas, mais si JAMAIS, ben j’resterais. Si j’gagne les élections. Mais j’suis à peu près sûr de les gagner... Dans l’pire des cas, si c’est vraiment dangereux de rester ici, j’irai sur Mackenzie 15 ou sur une autre planète... J’peux pas partir si j’gagne les élections, vous devez comprendre. Mais de toute façon, vous aurez aucune raison de partir d’ici. Je l’sais.
Capitaine -- Pis si vous gagnez pas?
Brad -- Si j’gagne pas, j’partirai avec vous. J’serai pas d’accord avec votre décision, comme d’habitude, mais j’vais partir avec vous. J’ose espérer que si vous voulez qu’on parte, ça va être pour une bonne raison.
Capitaine -- Bien sûr que oui. J’trouve Lévesque 118 fantastique jusqu’à maintenant et j’veux qu’on reste moi aussi. Ça prendrait une catastrophe pour qu’on parte.
Brad -- Bon. Alors on va rester. Adminarus est un un chic type, y nous l’aurait dit si yavait un problème! Bon, Si vous voulez m’excuser, faut qu’j’aille faire un peu d’ménage dans ma tente... C’est l’bordel là-dedans, fait un gros 12 heures que j’ai pas fait de rangement...
Capitaine [un peu songeur] -- Ouais, allez-y...
Brad se lève et va dans sa tente. Le capitaine reste assis quelques secondes, songeur. Puis, il se lève et lentement, marche vers la plage. On le voit prendre un caillou plat et le lancer pour qu’il fasse des bonds. Le caillou en fait trois ou quatre et la caméra le suit. Changement de séquence. Nous sommes le lendemain matin, après le déjeuner. Serge et Bob sortent de leur tente avec leurs sacs à dos et rejoignent les autres sauf Brad, qui sont à l’orée du bois. Le capitaine et Flavien portent, en plus, chacun une tente. Le sac de Bob est un peu gros pour le voyage qu’ils vont faire et Petrolia le remarque.
Petrolia -- Mon Dieu Bob, qu’est-ce que t’as mis dans ton sac pour qu’y soit gros comme ça?
Bob -- Mes provisions... J’ai peur d’en manquer, on sait jamais!
Petrolia -- À c’point-là? Tu dois en avoir pour 2 siècles et quart! C’est pas un peu lourd?
Bob -- Ouan, mais plus ça va aller, moins y va être lourd...
Petrolia -- Ouain, vu comme ça...
Capitaine -- Bon, tout l’monde est prêt?
Tous -- Ouaip!!
Capitaine -- On va marcher à la queue leu leu, comme ça ça être plus facile de faire le sentier. Des questions avant qu’on parte?
Bob [levant la main] -- Comment y font pour mettre les pépins dans l’milieu d’la pomme sans l’ouvrir?
Capitaine [un peu découragé] -- J’veux dire... Avez-vous des questions liées à l’expédition?
Bob -- Heu... Non!!
Capitaine -- Bon. Alors allons-y!! Je marche devant et vous me suivez.
Le capitaine entre dans le bois en commencant à faire le sentier. Il est suivi de Flavien, puis de Valence, puis de Pétrolia, puis de Serge et Bob ferme la marche. Du centre, Brad les regarde s’en aller et il reprend par terre son ordi, qu’il pose sur ses genoux. Il l’ouvre sur un document de traitement de texte vierge et commence à écrire : « Liste de disciples potentiels ». Puis il réfléchit et voit que ce ne sera pas facile de trouver des candidats, car il connait très peu de gens encore dans la galaxie. Il écrit, comme premiers éléments de la liste : « Adminarus » et « Zénorine ». Trouvant que c’est un bon début, il prend un air satisfait et referme son ordinateur. Changement de séquence. Quelques heures plus tard, on voit les six autres qui marchent dans le bois en se frayant leur chemin.
Bob [chantant] -- Promenons-nous dans les bois pendant que le loup y est pas! Si le loup y était, il nous mangerait...
Petrolia -- Ayoye, Valence!! Fais attention avec les branches!! J’en ai mangée une en pleine face!!
Valence -- Scuse-moi...
Bob -- 1, 2, 3, nous irons au bois. 4, 5, 6, cueillir des cerises. 7, 8, 9, dans mon panier neuf...
Capitaine [le coupant] -- Bob, on a pas vraiment besoin d’une trame sonore pour notre expédition...
Valence -- Encore moins d’une trame sonore a cappella...
Bob -- De toute façon, j’ai pu d’idées.
Flavien -- Moi j’commence vraiment à avoir envie d’aller aux toilettes, à force d’entendre de l’eau couler!
Capitaine -- De l’eau? J’entends pas d’eau... Y doit yavoir une chute ou une source à portée de votre champ auditif, mais trop loin pour que nous on puisse l’entendre.
Flavien -- Ouais, j’pense... On dirait plus une chute... On pourrait y aller pour remplir nos gourdes et se reposer un peu! [pointe un peu vers sa droite] C’est par là-bas!!
Petrolia [faisant allusion à Toxön] -- Encore une chute? On s’tanne pas un peu?!
Capitaine -- Allons-y!!
Les six commencent à se diriger dans la direction pointée par Flavien. Avant de continuer, le capitaine se retourne pour vérifier que le sentier est bien visible, et il l’est.
Bob -- Elle chante au milieu du bois, la source, et je me demande...
Capitaine -- Bob, s’il vous plaît...
Bob -- J’m’excuse... C’tait plus fort que moi!
Le capitaine ne peut réprimer un soupir. Changement de séquence. Brad, dans le campement, s’est installé son propre téléphone à côté de sa tente et il est assis à côté, son portable sur ses genoux. Il a décroché la canne et parle.
Brad -- Bonjour, Adminarus!! C’est Brad!!
L’écran se divise en deux et dans la moitié de droite, nous voyons Adminarus qui parle dans son propre téléphone.
Adminarus -- Bonjour, Brad!! Comment allez-vous?
Brad -- Très bien, très bien!! Vous-mêmes?
Adminarus -- Moi aussi, merci!! Alors, la chance est de votre côté, on dirait! Vous menez dans les sondages.
Brad -- Oui, c’est ce qu’ils disent! J’ai bon espoir...
Adminarus -- Les électeurs vous aiment. Ayez confiance. Plus qu’une petite semaine et si les prévisions ne mentent pas, la victoire devrait être à vous.
Brad -- Je peux toujours compter sur vos deux votes?
Adminarus -- Mais bien sûr, bien sûr!! Zénorine et moi vous appuyons totalement. Nous n’avons plus confiance en les deux autres et monsieur Dieudonné Marcellin, bien franchement... n’est peut-être pas à sa place en politique!!
Brad et Adminarus ricanent un peu de concert.
Brad -- Ni en aucun autre travail qui requiert un quelconque effort mental, si vous voulez mon avis... Bob n’est pas ce que je pourrais appeler un « cerveau »; il s’est présenté uniquement pour me nuire, pauvre naïf...
Adminarus -- Bon. C’est dommage pour lui, mais il ne faut pas nous en préoccuper. La victoire est à vous, Brad, si les choses continuent sur la même lancée. Et d’après moi, nous ne pourrions pas trouver meilleur président que vous. Un Terrien... Quelle chance inespérée! Cela doit rendre jaloux les frères Hayeull!! C’est un grand avantage pour vous! Un As dans votre main! Si vous saviez comme nous sommes heureux d’avoir un Terrien parmi nos candidats cette année!!
Brad -- Bah, vous savez, je n’ai aucun mérite... C’est un heureux hasard, que je sois né sur Terre. Et les Terriens ne sont pas tous comme moi, prenez Bob, par exemple!!
Adminarus -- Oui, en effet, vous êtes de la « bonne race » de Terriens.
Brad -- Et si tout va bien, vous aurez la chance de côtoyer tous les Terriens sous peu.
Adminarus -- Ce sera magnifique!! J’ai tellement hâte!! Savez-vous si vous allez rester?
Brad -- Notre capitaine est un peureux, d’ailleurs je me suis toujours demandé pourquoi il s’était vu confier cette mission cruciale, mais il m’a dit que nous resterions sans doute. Je crois qu’il veut rester. Mais de toute façon, s’ils partent, moi, je reste.
Adminarus -- Bien, c’est ce qui nous importe. Ce serait seulement dommage que les autres Terriens ne vous rejoignent pas. Quelle belle société nous aurions si nous pouvions la calquer sur la vôtre...
Brad -- Nous verrons bien! J’espère que le capitaine ne prendra pas la décision imbécile de partir.
Adminarus -- Je l’espère aussi. Bon, je dois malheureusement vous laisser, Zénorine et moi allons faire des courses. Au plaisir, Brad! Donnez-moi de vos nouvelles!
Brad -- Sans faute, cher ami! Au revoir!
Adminarus -- Au revoir!
Brad et Adminarus raccrochent chacun de leur côté. Adminarus disparait, l’écran redevient entier et on voit Brad qui, l’air satisfait, réouvre son ordi.
***
À suiiiiivre!!
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Écrit par Douce-Amère le Oct 2, 2016 12:24:47 GMT -5
Changement de séquence. Nous revenons aux six autres, qui poursuivent leur marche.
Flavien -- On approche... Je l’entends de plus en plus près.
Capitaine -- Oui, nous aussi on l’entend bien maintenant... Tant mieux! On va pouvoir se baigner aussi! Avez-vous apporté vos maillots?
Tous, sauf Serge-8 et lui -- Ouais!
Capitaine -- Bon, vous êtes prévoyants!!
Petrolia -- Heille une vraie chute dans les bois, comme dans les films...
Bob -- On pourrait s’laver tous nus en arrière!! Y font ça dans les films aussi!!
Petrolia, le capitaine, Valence, Serge et Flavien prennent un air de dégoût.
Bob -- Ben quoi... On est tout’ fait’ pareil!! Sauf Serge là... Ben en tout cas les gars on est fait’ pareil, y a rien là!!
Flavien [avec tact] -- Non Bob, j’pense qu’on est mieux de laisser faire. On va... pogner la grippe!! L’eau doit pas être chaude là-dedans!! Pis à part ça, y font ça dans les films, mais en vrai c’est dangereux d’aller en arrière d’une chute. La chute peut reculer pis nous écraser.
Bob -- Voyons, tu m’niaises-tu?
Flavien -- Non, du tout... Regarde, pourquoi tu penses que Serge peut pas y aller?
Bob -- Parce que c’est un robot?
Flavien -- Ya un peu de ça, mais aussi parce qu’y peut s’faire écraser!! Pis nous autres aussi!!
Bob -- Ben d’abord, si y peut pas s’baigner, ça veut-tu dire qu’on peut pas nous autres non plus?
Flavien -- Non, ça c’est juste parce que c’est un robot...
Bob [pas sûr de tout comprendre] -- Ok... mais si on s’baigne, on risque quand même de pogner la grippe, non?
Flavien voit que cet argument n’est plus important.
Flavien -- Bah, à bien y penser, j’pense pas que l’eau soit si froide. A doit être bonne!
Bob -- Parfait!!
Petrolia -- Capitaine...?
Capitaine -- Oui?
Petrolia -- Si y faut qu’on quitte la planète là...
Capitaine -- Oui...?
Petrolia -- Pensez-vous que... ben... que... que Roger-Émilien pourrait venir avec nous?
Capitaine -- Petrolia, on peut pas s’encombrer d’un animal à bord du vaisseau. Ça demande des soins, on a pas de bouffe à ratons laveurs, y pourrait faire des dommages, pis un raton laveur, c’est pas vraiment un animal domestique, non plus! C’est un animal sauvage et il va rester sauvage même si vous l’apprivoisez! Sans compter qu’y va sûrement fouiller dans nos poubelles comme tous les ratons!!
Petrolia -- Ah Capitaine, s’il vous plaît... J’vous jure que j’vais bien m’en occuper pis si ya des problèmes, on aura juste à le téléfaxer sur une planète...?
Capitaine -- Et prendre le risque d’envoyer ce pauvre petit animal sur une planète hostile ou désertique où y pourrait mourir? Il serait bien mieux ici.
Petrolia -- Ouain, c’est sûr... Faque vous voulez vraiment pas?
Capitaine -- Non, Petrolia, j’aime mieux pas. De toute façon, j’pense de plus en plus qu’on va rester.
Valence -- Ben oui, on va rester. C’t’à peu près sûr.
Capitaine -- Alors la question de Roger s’pose pas. Mais quand même, si jamais on devait partir, j’aimerais mieux qu’on l’amène pas.
Valence -- Charles, si j’t’entends dire une autre fois les mots « si jamais on devait partir », j’te jure que j’me tape la plus grosse crise de nerfs que t’auras jamais vue pis que j’te chante les 60 plus grands succès country afghans du 20e siècle jusqu’à c’que mort s’ensuive!
Capitaine -- Ok, ok, je l’dirai pu... Disons qu’on reste, à moins d’un revirement de situation!
Les cinq autres se réjouissent. Ça tombe bien, car tout à coup, ils poussent les derniers arbres et voient apparaître devant eux la chute dans toute sa majesté. Celle-ci tombe dans une petite rivière tranquille brillant des rayons de soleil qui s’y réflètent. Ils sont bouche-bée.
Serge-8 -- On y est.
Petrolia -- Wow... C’est vraiment beau...
Les six descendent sur le bord de la rivière, qui est composé de sable et parsemé de quelques roches, pas assez pour gêner la marche. On présume que le sol est semblable dans la rivière.
Valence -- De la belle eau pure... On s’baigne tout de suite!! Moi, j’ai mon maillot en dessous!
Ce disant, elle enlève ses vêtements et les autres l’imitent. Ceux qui n’avaient pas déjà leurs costumes de bain vont dans les bois pour se changer. Charles, lui, avait le sien et Valence et lui plongent. Flavien les rejoint. Serge, bien sûr, reste sur la plage : étant un androïde, il ne peut pas se baigner.
Valence -- Heille ça fait du bien... Pis on a pied en plus! L’eau est claire, on voit l’fond... J’passerais ma vie ici!!
Petrolia et Bob sortent de la forêt en costumes de bain. Petrolia va voir Serge.
Petrolia -- J’m’excuse de pas t’avoir créé waterproof... C’est pas l’genre de choses auxquelles on pense, dans l’espace...
Serge-8 -- C’est pas grave. J’sens pas la chaleur, de toute façon, ça m’dérange pas beaucoup... Fais-toi en pas!
Petrolia -- Si tu l’dis... mais c’est quand même plate pour toi!!
Flavien -- Petrolia!! Viens t’en!!
Petrolia plonge.
Petrolia -- C’est vrai qu’est bonne!
Valence -- Brad sait pas c’qu’y manque!! [après une ou deux secondes] Pensez-vous que la rivière porte un nom?
Capitaine -- Aucune idée... On pourrait lui en donner un!!
Petrolia -- Serge, vu qu’tu peux pas venir nous rejoindre, baptise-la, toi!
Flavien [taquin, à Petrolia] -- Ouais, laisse la chance aux autres un peu!!
Petrolia [arrosant Flavien] -- Tsss...!!
Serge-8 -- Je sais pas... Torrentia?
Flavien -- Torrentia!! C’est super beau!
Valence -- Mets-en! Pis du premier coup!
Capitaine -- Totalement d’accord!! Alors, Torrentia?
Tous manifestent leur accord. Serge se lève, s’approche et glisse un peu sur une roche.
Petrolia -- Aaahh!! Attention!! Ça s’m’tente pas d’te ressusciter encore, surtout qu’t’es pas encore complètement guéri de ta poulèzédindite...
Serge-8 -- Ben non, inquiète-toi pas. [D’un air solennel.] Rivière, je te baptise officiellement la rivière Torrentia. Et Chute... Tu t’appeleras la chute... la chute... Harmonia.
Petrolia -- Oui!!!
Capitaine -- Adopté!!
Valence -- Heille on a vraiment pogné l’jack pot. Y devait yavoir juste une planète comme ça dans l’univers, pis ça nous a pris du temps, mais on l’a trouvée!
Capitaine -- Ouais... On va quand même attendre jusqu’à la fin des trois semaines comme prévu, mais attendez-vous à c’qu’on reste.
Petrolia -- Pis moi j’veux ma maison ici!!! Près de Torrentia! Qu’est-ce que t’en penses, Flavien?
Flavien -- J’pense qu’on peut pas trouver meilleur spot...
Petrolia -- Pis c’est ici que Rogatienne ou Gontrand-Arthur Parenteau Stanislavski Bouchard va apprendre à nager.
Flavien la regarde.
Flavien -- On pourrait peut-être enlever le « Parenteau »...
Petrolia -- Ouain... J’sais pas, je l’aime mon « Parenteau »...
Flavien -- C’est juste que ça fait un peu long peut-être. En tout cas, on a en masse le temps d’y penser!
Serge-8 -- J’ai une idée!
Flavien -- C’est quoi?
Serge-8 -- Une rivière, ça finit toujours par se jeter dans la mer.
Flavien [levant la main] -- Un fleuve.
Serge-8 -- Oui, mes selon les rapports de sonde, il n’y a pas de fleuves ici. La règle s’applique donc aux rivières.
Flavien [bon élève] -- D’accord.
Serge-8 -- Ainsi, si on suit la rivière, on devrait finir par arriver à l’océan. Il nous resterait juste, rendus là-bas, à marcher sur la plage jusqu’à ce qu’on arrive au campement. Ça nous permettrait de couvrir plus de terrain que si on reprend notre sentier en sens inverse pis de toute façon, yé rendu plus ou moins visible... et ça nous permettrait de ménager les arbres un peu. Qu’est-ce que vous en pensez?
Capitaine [en regardant le sentier effectivement peu visible] -- Ouais, ben c’est une bonne idée j’trouve!! Ça va être agréable!!
Bob -- Mais rendus su’l’bord d’la mer, comment on va savoir dans quelle direction aller?
Flavien -- J’devrais pouvoir voir le vaisseau de loin. Dans l’pire des cas, sachant que la mer est à l’ouest, on pourra regarder la position du soleil. Mais j’pense pouvoir voir le vaisseau.
Capitaine -- Alors on va faire ça. J’propose qu’on monte les tentes au premier endroit assez découvert qu’on va trouver pis qu’on reparte demain.
Les cinq autres ont l’air d’accord.
Capitaine -- Mais pour tout d’suite, une tite partie d’Marco Polo?
Tous [avec enthousiasme] -- Ouais!!
Serge-8 -- J’vais faire l’arbitre!!
Les équipiers commencent à jouer. Changement de séquence. Nous sommes sur Mackenzie 15, chez Adminarus et Zénorine. Ils sont tous deux assis dans la partie de leur hutte qui leur tient lieu de salon et discutent.
Adminarus -- Te rends-tu compte, Zénorine, qu’on va peut-être avoir un Terrien comme président? On va faire l’envie du reste de l’univers!
Zénorine -- Oui, on a vraiment eu de la chance qu’ils choisissent notre galaxie pour s’établir. Ce sont des gens tellement sympatiques. J’me demande... J’me demande pourquoi la Terre est si mal en point que ça! Qu’est-ce qui a bien pu se passer comme catastrophe?
Adminarus -- J’en sais rien. Mais ça a dû être une grosse catastrophe naturelle. Ils n’ont pas pu la provoquer. Peut-être qu’un météore les a frappés, peut-être que leur soleil s’est rapproché pour une raison ou pour une autre et que leur couche d’ozone n’était plus assez forte pour les protéger... Qui sait? Peut-être que la Terre est sortie de son orbite et que c’est elle qui est allée trop près du Soleil? M’enfin, je n’aime pas dire ça, mais c’est presque providentiel pour nous.
Zénorine -- Adminarus, ne dis pas ça. Ils devaient être heureux avant de devoir partir, ne sois pas égoïste. Crois-tu qu’ils resteront? Ça n’avait pas l’air certain.
Adminarus -- Ça dépend de Charles, leur capitaine, mais selon Brad, ils resteront fort probablement. Je ne vois pas pourquoi ils partiraient, de toute façon, ils ont hérité de la plus belle planète de la galaxie, les chanceux...
Zénorine -- J’espère qu’ils resteront. J’aime beaucoup Valence, on a des atomes crochus... et puis une petite influence terrienne ne pourrait pas nous faire de tort.
Adminarus -- D’ici là, je compte bien afficher ouvertement mon appui à Brad pour les élections. S’il a besoin de mon appui, cela dit... C’est à peine si les deux autres osent se mesurer contre lui! Le grand jour est dans une semaine et c’est pratiquement gagné pour lui.
Zénorine -- Je l’espère. Je le trouve fort aimable, intelligent et avenant, ce jeune homme. Bon, j’vais aller préparer le souper...
Adminarus -- Ça tombe bien, ma partie d’astéroball commence dans deux minutes.
Zénorine -- Toi et ton astéroball... C’est une maladie, j’devrais peut-être t’envoyer en thérapie avec Valence, tiens, elle est psy!
Adminarus -- Une maladie, vive l’exagération!
Zénorine -- Exagération, mon oeil!! Allez, on mange dans une demi-heure, et pas devant la télé.
Adminarus -- M’enfin, chérie...
Zénorine -- Tut tut tut!! Pas de discussion!!
Adminarus ronchonne un peu, mais obtempère. Changement de séquence. Valence, Petrolia, Flavien, Serge, Bob et le capitaine ont trouvé un espace découvert près de la rivière et sont en train de monter leurs tentes. Charles, Valence et Bob prennent une tente et les trois autres prennent l’autre.
Valence [à Charles] -- Qu’est-ce que tu penses que Brad est en train de faire?
Capitaine -- Avec un peu de chance, une dépression ou une crise cardiaque...
Valence -- Charles, franchement. Exagère pas.
Capitaine -- J’exagère à peine : depuis cinq ans, tout c’qu’y nous apporte, c’est du trouble. J’ai hâte que la mission soit finie pour qu’on puisse nous en aller le plus loin possible de lui.
Valence -- J’sais pas si y s’ennuie de nous autres.
Capitaine -- J’suis sûr que oui, c’est ça l’pire. Y doit avoir la chienne quelque part... Peut-être d’un écureuil...
Valence -- Probablement, mais tu devrais quand même compatir avec lui.
Capitaine -- J’ai autant envie de compatir avec lui qu’avec un troupeau de bisons enragés, Valence, tu l’sais! Regarde, on est dans un paradis pis on trouve le moyen de parler de Brad!
Serge-8 [hors de l’écran] -- Voulez-vous des frites?
Capitaine -- Yé pas encore guéri, lui? [Plus fort] Petrolia!!
Il se dirige vers la tente de Flavien et de Petrolia.
Petrolia -- Oui, je sais, ça prend du temps. Ça s’en vient là. Le problème est presque réglé. De toute façon, c’est pu dérangeant.
Capitaine -- C’est sûr, mais ça m’rassurerait quand même de savoir que tout est arrangé.
Serge-8 -- À qui l’dites-vous! J’commence à être tanné de ma personnalité de serveur à temps partiel!
Petrolia -- Ah, vous êtes impatients! Ça achève.
Flavien -- J’espère, parce que si y rebâtissent des Ben Poulets-zé-Dindes ici, j’pense que j’serai pu capable d’yaller... Bon, ben la tente est montée!!
Capitaine [jette un coup d’oeil à sa tente] -- La nôtre aussi. On fait quoi là?
Petrolia -- On fait un feu pis on prépare le souper?
Valence -- Bonne idée... J’ai faim!
Serge-8 [en chantant] -- Une cuisse pour Fabrice, une aile pour Marcel, vous trouverez tout ça chez La dinde éternelle!!
Tous semblent inquiets, mais le capitaine encore plus.
Capitaine -- Ah non...
Serge-8 [après 2 ou 3 secondes] -- C’t’une joke!!!!!!
Rires incertains de tout le monde.
Capitaine [arrête de rire] -- C’est vraiment une joke là...?
Serge-8 -- Ben oui, Capitaine.
Capitaine [en souriant] -- Fiou... J’ai eu peur!! Faites-nous pu jamais ça!! [Prise de conscience.] Mais j’pense à ça, Serge... Vous êtes jamais allé sur Terre, alors comment connaissez-vous les pubs de Ben Poulets-zé-Dindes et de La dinde éternelle?
Serge-8 -- Ce sont tous des renseignements que Petrolia a appris de ses parents et qu’elle a programmés dans mes bases de données.
Capitaine -- Quelle belle création. C’est dommage que vous ayez des ratés...
Serge-8 -- Ah ben qu’est-ce que vous voulez, y a personne de parfait!
Capitaine -- Ah, ça c’est sûr... Pis sur bien des aspects, vous êtes mieux que beaucoup d’humains! Quand on n’a pas de sentiments, on peut être ni achetable ni influençable... Mine de rien, ça peut être une excellente chose. J’préfère que vous m’parliez en serveur de Ben Poulets-zé-Dindes une fois de temps en temps plutôt que vous vouliez m’assassiner parce que vous en avez après mon porte-feuille. Bon, Flavien, ce feu, ça s’en vient?
Flavien -- Oui, oui!!
Petrolia -- Ce soir, on mange du blé d’Inde!! Un vrai souper estival! Proche d’une rivière, au soleil...
Bob -- On a-tu des cure-dents?
Tous se le demandent...
Capitaine -- Ben moi en tout cas j’en ai pas!
Valence -- Ben coudonc, on s’arrangera!!
Flavien -- On fera un concours des plus belles « dents de blé d’Inde »!
Salves de rires. Changement de séquence. Brad, dans le campement, est encore devant son portable, mais il est maintenant dans sa tente. Une coupe de champagne est posée par terre, à côté de lui. Il tape et réfléchit à voix haute.
Brad -- « Chers disciples »... Ah non, c’est pas bon ça... « Chers... sujets »!! Non... Ça fait trop « royal », faudrait pas avoir l’air trop supérieur... « Fidèles »? Pas mieux... On va s’contenter d’un « chers concitoyens », ça sonne modeste. « Chers concitoyens, je n’ai pas assez de mots pour vous dire à quel point je suis fier et comblé d’avoir été élu par vous ». Bon. Ça c’est bien. « Maintenant que je suis votre président, je prend comme engagement de veiller à ce que la galaxie soit un endroit merveilleux où vivre, pour les petits comme pour les grands. » [avec un sourire presque hypocrite] Ben dans la mesure de mes capacités, mais ça j’suis pas obligé d’le dire... « Vous ne serez jamais déçus de moi, parole de Brad Spitfire... » Pour l’instant, du moins... « ...et vous vous féliciterez de votre choix. » J’devrais faire une pas si pire job, encore là. Si j’avais su que le fait d’être terrien pourrait un jour jouer en ma faveur tant qu’ça... « Mes amis, c’est donc avec une joie sans bornes que j’accepte ce titre. Votre bien-être est ma priorité et je ne m’accomplirai que par l’entremise de votre félicité. Il n’existe pour moi nul joyau plus précieux que mon peuple et son bonheur. Longue vie à Koshissi et aux Koshissiens!!! » [Fermant lentement son ordi.] Et les applaudissements fusent de partout... Brad Spitfire, ton heure de gloire a sonné! Dans une petite semaine, j’aurai atteint l’objectif de toute une vie : être le chef, le roi, avoir des milliards de disciples, être enfin apprécié à ma juste valeur. Ça aura valu la peine d’attendre, et ces six autres cons ne pourront rien faire pour empêcher mon triomphe... Je vais enfin pouvoir m’élever! [Comme pour mimer ses dires, il se lève.] Le deuxième Roi Soleil, c’est moi!! Je vais faire de cette galaxie mon royaume... et quand les Terriens seront arrivés, ce sera encore mieux que d’être le maître du monde!! Je vais être plus grand que le pape...! [Semble revenir sur Terre un peu.] Bon, assez d’idées de grandeur pour l’instant... J’ai faim!!
Brad sort de sa tente et va dans la marquise. Il ressort avec quelques pogos.
Brad -- Ben coudonc c’est mieux que rien, c’est pas d’la haute gastronomie, mais ça m’tente pas de cuisiner là... J’peux bien m’permettre d’aller dans les réserves de Bob un peu...
Il s’approche du feu, s’assoie, s’arme de patience et commence à essayer de les faire chauffer. Changement de séquence. Nous sommes de retour à la rivière Torrentia. Flavien et Petrolia prennent un bain de minuit en amoureux, mais ils ont toujours leurs maillots (pour l’instant), et les autres dorment.
Flavien -- Sérieusement, Petrolia, pour le nom de famille de nos enfants, j’trouve que Parenteau Stanislavski Bouchard, c’est long. Surtout si on choisit un prénom composé... Y va falloir décimer une forêt pour créer un chéquier à c’t’enfant-là!
Petrolia -- Oui, mais d’un autre côté, yapprendrait son alphabet en même temps qu’yapprendrait à écrire son nom...
Flavien -- Ben ça m’convainc pas... On pourrait s’contenter de Stanislavski Bouchard sur le baptistère pis de Bouchard comme nom usuel...?
Petrolia -- Mouais... On pourrait... Rogatienne Bouchard ou Gontrand-Arthur Bouchard, ça paraît bien...
Flavien [après 2 ou 3 secondes] -- Qu’est-ce que tu penses de Charlotte, pour une fille?
Petrolia -- Ouais, c’est joli... Moins que Rogatienne, disons, mais j’aime ça!
Flavien [la regarde] -- Sérieusement? Parce que moi j’aime vraiment ça... J’dis pas que t’as pas de goût, mais disons que tes noms, j’les aime moins...
Petrolia -- Ouais, j’comprends. J’trouve ça beau, Charlotte. Mais on a encore en masse le temps d’y penser aussi!!
Flavien -- Pis on pourrait peut-être garder le Stanislavski en nom usuel. J’trouve ça beau, Charlotte Stanislavski Bouchard.
Petrolia sourit.
Petrolia -- Pis pour le parrain et la marraine, Valence et le capitaine?
Flavien -- Ouais... Mais Bob va être déçu...
Petrolia -- On décidera ça rendus là, on a l’temps en masse.
Elle l’embrasse.
Petrolia -- Entends-tu les ouaouarons?
Effectivement, on en entend quelques uns.
Petrolia -- Si les oiseaux ici parlent serbo-croates, j’me demande quelle langue parlent les ouaouarons?
Flavien -- Probablement le ouaouaronnais...
Petrolia -- Non, j’veux dire... Peut-être qu’y parlent le russe, ou le japonais!!
Flavien -- On sait jamais!
Petrolia -- J’me demande si Valence jase avec les animaux sans qu’on l’sache?
Flavien -- Veux-tu qu’on aille la réveiller pour y demander?
Petrolia -- Ben non, niaiseux... Ça doit être le fun de comprendre toutes les langues...
Flavien -- Ouais...
Petrolia [après quelques secondes] -- J’aurais aimé ça avoir un voisin liechtensteinois.
Flavien -- Hein? Pourquoi?
Petrolia -- Je l’sais pas. Comme ça. Yen a qui rêvent de devenir millionaires, d’autres qui rêvent de devenir champions de Formule 1, moi, j’ai toujours rêvé d’avoir un voisin liechtensteinois. J’t’ai jamais dit ça?
Flavien -- Non...
Petrolia -- Ah! J’pensais te l’avoir dit... Quand on va être établis avec tous les autres Terriens, on pourrait aller nous en chercher un!
Flavien -- Ça marche pas comme ça, Petrolia, ya pas des pet shops à voisins liechtensteinois...
Petrolia -- Ah... Ben d’abord, on déménagera en Liechtensteinie!!
Flavien -- Au Liechtenstein.
Petrolia -- Au Liechtenstein d’abord.
Flavien -- Si ya un nouveau Liechtenstein.
Petrolia -- Ouais.
Flavien -- Mais ça m’tente pas d’m’en aller au Liechtenstein... On fera semblant que notre voisin est liechtensteinois!!
Petrolia [pas satisfaite] -- Ouain, mieux que rien... Mais si y s’appelle Roger Bergeron, ça sera pas crédible!
Flavien -- Ben on l’surnommera [réfléchit] Carlos-Igor Wong Piyanotti.
Petrolia -- C’est liechtensteinois, ça?
Flavien -- Je l’sais pas, mais en tout cas ça vient de loin! Probablement de c’coin-là, là...
Petrolia -- Ah, ok.
Tout à coup, on entend des bruissements de feuilles et des rires qui approchent de la rivière. Quelques secondes plus tard, Valence et le capitaine sortent du bois et les deux couples se voient. Les quatre sont soudainement gênés.
Valence -- Hein! Ah ben! Qu’est-ce que vous faites là?
Flavien -- On... on pêche!! On essaie une nouvelle technique de pêche!
Petrolia -- Oui, c’est ça... On pêche à la main! Y disent que plus on est proche des poissons, moins les poissons se méfient et plus y se laissent prendre facilement! Toi, Valence, tu dois comprendre ça! Une relation de confiance s’établit entre nous et les poissons!! Pis en plus la noirceur crée un sentiment d’intimité!
Valence -- Oui... ben... je...
Flavien -- C’est logique!!
Valence -- J’peux pas trop nier, là...
Petrolia -- Pis vous, qu’est-ce que vous faites là?
Capitaine -- On... on cueille des framboises!!
Petrolia -- Des framboises? Yen a?
Capitaine -- Ben sûrement là... Yen a partout de nos jours... On cherche en tout cas!!
Petrolia -- En costumes de bain?
Valence -- On s’est dit qu’on irait peut-être voir dans l’eau aussi!! Hein, Charles? Y parait que l’humidité est bonne pour les framboises! Ça les rend plus... juteuses!! Alors t'sais... une folle d’une poche!! On va aller voir dans l’eau!
Petrolia regarde dans l’eau et Flavien semble trouver Valence folle.
Capitaine -- Pis on cherche la nuit parce que les framboises s’épanouissent toujours mieux dans la tranquilité! Et tout l’monde sait que la nuit, c’est toujours plus tranquille.
Flavien -- Pis c’est pour ça qu’on vous entendait rire d’ici?
Capitaine -- Je... ben... on prenait une pause!
Flavien -- En tout cas nous autres, on avait justement fini pis on allait s’coucher... La pêche est pas bonne, les poissons doivent dormir. Hein, Pet?
Petrolia arrête de regarder dans l’eau et revient à la réalité.
Petrolia -- Oui! Oui, on y allait... Grosse journée, demain!!
Valence -- Oui, c’est vrai! D’ailleurs, nous aussi on va yaller... Hein Charles? On trouve rien, de toute façon, elles doivent être plus loin.
Charles -- Oui, c’est ça... J’allais justement vous... réprimander d’être dehors si tard! Des affaires pour être fatigués demain...!
Flavien -- Ouais, ouais... Attendez-nous!
Flavien et Petrolia sortent de l’eau et s’assèchent. Les quatre entrent dans les bois en discutant.
Flavien -- Heille, des framboises... Vous v’nez d’me rappeler qu’ça fait une éternité que j’en ai pas mangé... Si vous en trouvez demain, vous me l’direz!
Valence -- Oui, oui, on t’oubliera pas!
Changement de séquence. Nous sommes le lendemain matin et le capitaine, Valence, Flavien, Petrolia, Bob et Serge sont attablés autour d’un feu en train de déjeuner, dans la bonne humeur.
Serge-8 -- Heille j’vous dis que si toute la planète est comme ça, on est chanceux!
Valence -- Ouais. On va essayer de profiter le plus possible de notre jardin d’Éden avant qu’il s’industrialise...
Bob est étrangement tranquille.
Capitaine -- Voyons, Bob, vous êtes bien silencieux... Est-ce qu’ya quelque chose qui cloche?
Bob -- Ben j’sais pas. Depuis qu’on est parti hier, c’est l’bonheur total, on s’est baigné dans Torrentia, on a écouté le chant d’Harmonia... Pis là on va retourner au campement retrouver... Brad.
Une petite musique sinistre commence à jouer. Tout le monde arrête de parler et se regarde.
Petrolia -- C’est vrai qu’c’est presque déprimant, vu comme ça...
Flavien -- Ouain... C’t’un peu comme une comédie musicale qui finirait par un bombardement...
Valence -- Heille, faut-tu être assez maso...
Le capitaine est déprimé aussi, mais se reprend.
Capitaine -- Bon, arrêtez!!
La musique arrête. Tous regardent le capitaine.
Capitaine -- C’est vrai que Brad est salaud, infâme et inhumain, mais on doit retourner au campement, ne serait-ce que pour appeler les autres Terriens quand y sera temps. Après leur arrivée, on aura juste à partir le plus loin possible de lui. C’t’un p’tit coup à donner!!
Flavien -- Yep. Hein, Bob?
Bob -- C’est sûr... [après quelques secondes] Valence?
Valence -- Oui, Bob?
Bob -- Si j’gagne les élections là, voulez-vous être ma première dame?
Valence [compréhensive] -- Bob... Tu l’sais que ça m’ferait plaisir, mais la première dame, c’est l’épouse du président... Alors on pourrait dire que moi, je suis la première dame du Romano Fafard, parce que Charles est le capitaine! Tu comprends?
Bob -- Ouais... alors Brad non plus aura pas de première dame si y gagne?
Valence -- Non, et c’est tant mieux pour celle qui n’est pas sa première dame, mais qui serait sa première dame si y fallait qu’yait une première dame, dans c’cas-là elle serait pas chanceuse d’être sa première dame, mais comme elle l’est pas, elle est chanceuse... Heu...
Bob -- C’est qui elle?
Valence -- Je sais pas... mais elle est chanceuse d’échapper au fait qu’elle serait pas chanceuse... En tout cas!!
Bob -- Ça serait l’fun d’la rencontrer pour le lui dire...
Valence regarde Bob d’un air étrange, puis reprend son air normal et poursuit.
Valence -- De toute façon, c’est pas important. Vous allez pas... [voit qu’elle s’apprête à faire une gaffe] Vous allez pas en avoir de besoin! Hein!! Vous avez pas besoin de ça, vous, une première dame... A serait dans vos jambes!! Dans l’sens qu’a vous dérangerait! T'sais! Pas dans l’sens de... En tout cas!
Valence se dit qu’elle ferait mieux de se taire.
Bob -- Ouais, vous avez probablement raison... les femmes, c’t’un paquet de trouble! On est bien, célibataire! Hein, Serge?
Serge-8 -- Ah moi, tu sais, j’ai l’habitude, mais le jour où j’vais rencontrer une belle p’tite androïde à mon goût, là, j’garantis pas que j’me caserai pas...
Petrolia -- Pis vous allez faire plein de beaux p’tits bébés boulons!!
Tous trouvent ça drôle.
Valence [riant] -- Au lieu d’acheter des couches, vous allez acheter des canisses d’huile!!
Bob -- Heille, mais si cette androïde-là, c’est la fille qui serait la première dame de Brad si yen avait une, ben Brad va être jaloux!! [Un grand sourire apparait sur le visage de Bob.]
Valence -- Bob, j’pense que vous feriez mieux d’oublier cette histoire de première dame... hein? On va pas parcourir l’espace intersidéral pour trouver cette... « première dame qui n’est pas » de Brad! Après tout, il y a un peu de cette femme en chacun de nous...! Ben surtout en Petrolia et en moi là...
Bob -- J’pense que j’suis pas sûr de comprendre, là, mais... ok!! On peut-tu la baptiser?
Capitaine [se choque] -- Mais c’est quoi cette manie de vouloir tout nommer depuis qu’on est arrivés ici?? On peut pas faire deux pas sans entendre une suggestion de prénom!! [Pointant un arbre.] Voulez-vous qu’on baptise cet arbre-là, d’un coup parti? Pis on pourrait baptiser la guêpe qui est en train de tourner autour de la tête de Flavien!! [Flavien cherche la guêpe.] Non mais, c’t’une obsession!!
Valence -- Charles, Charles calme-toi là... Peut-être qu’on fait une overdose généralisée de « chose-làisme »... T'sais que c’est un mal pas mal répandu! D’ailleurs, les études ont montré qu’en général, on a tendance à faire des overdoses d’affaires quand on en a trop eu... Par exemple, en ce qui a trait aux rondelles d’oignon, saviez-vous qu’un être humain moyen, et cela exclut bien sûr Bob, n’est pas capable d’en manger plus de 15 sans commencer à avoir mal au coeur? Ma théorie est donc que passé une certaine quantité de « chose-là », l’overdose est inévitable, ce qui peut encourager de petites crises de « cherchage » de prénoms, comme celle que nous vivons en ce moment... Ce n’est bien sûr qu’une hypothèse scientifique. Mais, vous savez, ce n’est pas d’hier que l’Homme cherche à nommer les choses qui l’entourent... C’est un besoin fondamental qui, déjà, habitait les premiers êtres pensants! En fait, aussi tôt qu’en...
Capitaine [calmé, la coupant] -- Valence! C’est beau, j’pense qu’on a compris, là...
Valence [un peu vexée] -- Ok, bon... Une psychologue peut pu afficher son savoir en paix!
Bob -- Ça fait qu’on la baptise pas?
Capitaine -- Non, Bob, on la baptise pas.
Valence -- Ça serait peut-être mieux, Charles...
Capitaine [se choquant à nouveau] -- On a juste à plus en parler!!!
Valence -- Ok, ok... On en parlera pu... [et à voix basse] Maudit caractériel...
Capitaine [se calmant à nouveau] -- Faudrait pas trop niaiser avant de partir, j’aimerais ça coucher au campement ce soir.
Serge-8 -- Oui, je suis d’accord, deux jours c’est assez et on a vu ce qu’on avait à voir!
Capitaine -- Ouaip!! J’pense que pour la première fois depuis le 28 octobre 2034, on ira pas voir ailleurs si on y est... car vous savez, comme disait le grand Charlemagne : « On change pas une recette gagnante... sauf si... ya trop d’sel dedans »!
Flavien [en riant] -- Ou si c’est une recette de... [Valence lui lance un regard furieux.] Une recette de la grand-mère de Bozo le clown! J’vous dis que pour avoir un petit-fils comme ça, fallait qu’a mette des ingrédients ben spéciaux dans sa soupe aux pois...
Valence [pas certaine] -- Oui, hein!!
Bob -- Ça devait goûter drôle...
Bob se trouve drôle et rit beaucoup, mais il est le seul. Il s’en aperçoit et arrête.
Bob -- Peut-être que j’ai bien fait de devenir pilote au lieu de devenir humoriste?
Tous montrent discrètement leur accord.
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La sehuite de cette belle histoire vaguement trumpienne betôt.
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Écrit par Douce-Amère le Oct 3, 2016 20:27:36 GMT -5
Changement de séquence. Nous sommes quelque temps plus tard. Brad est sur la plage, en speedo, en train de se faire bronzer sur le ventre. Brad -- Bon, yé temps d’se r’virer de bord... Il se tourne sur le dos et pousse un soupir. Brad -- Heille faut l’faire quand même... chercher une nouvelle planète parce que le soleil est devenu le pire ennemi de la nôtre, et une fois la planète trouvée, se faire bronzer... [Il rit un peu, mais arrête et prend un air sérieux.] Non, c’est pas drôle dans l’fond... [Il retrouve le sourire.] Mais j’sais pas, ces temps-ci, j’ai comme le coeur à rire!! J’me d’mande bien pourquoi!! [Il prend une paire de lunettes fumées qui était à côté de lui et la met.] Ah, Soleil... De toute façon, toi, t’es pas l’même que chez nous, j’suis sûr que tu nous ferais pas de mal... Ben non, qu’est-ce que je raconte, t’es un soleil, un soleil, c’est un soleil, si la couche d’ozone ressemblait à un souvenir de couche d’ozone ici aussi, ça donnerait le même résultat! J’te jure qu’on va essayer de faire attention... [Brad semble avoir une prise de conscience et s’assied.] Serais-je en train de devenir environnementaliste? Moi, le Spitfire par excellence? Moi, le king des Spitfire? La crème de la crème de la famille Spitfire? Papa serait pas fier de moi, y faut que j’me reprenne. J’pense que ça m’a pas fait de passer 5 ans dans l’espace avec six membres de la classe inférieure... Tiens!! Pour me faire pardonner, j’construirai une belle usine avec plein de cheminées et une rivière juste à côté pour y déverser mes déchets toxiques! Ça devrait faire l’affaire! [Satisfait, il se recouche.] Pis si les autres sont pas contents, ben... Y repartiront se chercher une autre planète dans 30 ans! Moi, j’vais être bien!! [Après quelques secondes.] Bon, ben y faudrait quand même pas que j’brûle, j’aurais l’air fin... [Il se rassoit et regarde un peu autour de lui.] Bon, qu’est-ce que j’pourrais faire d’autre en attendant qu’y reviennent? J’ai fini d’lire la biographie de Staline, abandonné l’idée de la pièce en hommage à Al Capone... J’pense qu’y m’reste pu juste à me préparer mentalement aux élections et à me reposer avant le jour J! Brad plante un parasol qui était tout près, se recouche sur le ventre et la scène coupe. À l’écran, on peut lire : « Quelques heures plus tard ». Puis, on revoit Brad. Il est couché sur le dos, endormi, la bouche ouverte. Pose « Je dors et j’me fous d’avoir l’air con ». Capitaine [hors écran] -- Brad? Brad?? Brad [3/4 endormi] -- Chgnn... hgn... Capitaine -- Brad!! Brad -- Papa...? Papa, c’est-tu toi? Oui, Papa, j’va lâcher l’coffre à outils... Capitaine -- Brad, c’est moi, le capitaine... Brad [encore endormi mais sur un ton fier] -- Oui, Papa, mais un jour, j’va hériter!! Capitaine -- BRAAAAAAAADDD!!!!! Brad [se réveillant en sursaut] -- Aaaaaaahhhhh!! Capitaine!! Kessé qu’ya?! Ça s’fait pas, réveiller l’monde de même... On voit maintenant le capitaine. Capitaine -- Brad, j’espèrais que nos retrouvailles se passent sur un ton plus harmonieux... Brad -- Après cinq ans, moi, Capitaine, je ne l’espère plus trop!! Capitaine -- C’est certain... Brad -- Que me vaut l’honneur de votre retour? Capitaine -- Mais, mon cher Brad, la brise qui amène notre retour est sans doute issue de la même félicité qui vous a porté à rester ici! Bob [regardant le capitaine] -- De kessé? Capitaine [avec un signe de la main] -- Laissez, Bob, cet échange est entre Brad et moi... Bob -- Ah... Capitaine -- Alors, Brad, que s’est-il passé de beau en notre absence? Brad -- Ben moi, Capitaine, je suis beau et j’ai beaucoup passé, à part ça... Capitaine -- Pis nous on s'est bien passés de vous... Brad -- Ça marche pas Capitaine, vous avez pas mis le mot « beau »... Capitaine -- Oui, mais vous, vous avez dit juste « passer » et pas « SE passer »... Brad -- J'l'ai quand même mieux réussi que vous! Capitaine -- Aaaahhh... Disons qu'on est quittes là... Brad -- Je proteste!! Mon jeu de mots était de loin supérieur au vôtre!! Capitaine -- Voulez-vous que j'vous montre à quel point mon « Non, Brad » est supérieur à celui de Flavien? Brad -- Non! Non... Je n'y tiens point, savez-vous... Les moments où je demeure conscient se raréfient, j'aimerais donc m'abstenir cette fois-ci... Flavien -- Sont pas pires, mes « Non, Brad »...! Capitaine [tanné] -- Bon, bon, BON!! Où en étions-nous...? [demi-seconde de réflexion] Ah, oui!! Quoi d’neuf? Brad -- Bah, rien... Le calme plat... Normal, j’vois mal c’qui aurait pu me déranger, vu qu’ya pas l’air d’avoir de monstres dans la région... Ni de terroristes... Ni de majorettes en furie... Ni de majorettes terroristes en furie... Ni de... En tout cas, vous, votre voyage? Six visages remplis de béatitude. Petite musique évoquant le printemps et le bonheur. Brad -- Bon. J’vous l’avais bien dit qu’c’était parfait! Qui c’est qui avait raison, encore une fois? Nul autre que le grand Brad Spitfire! Tss... Vous apprendrez jamais... Flavien -- Vous êtes sûr, Brad, que vous voulez pas aller faire un p’tit tour chez votre amie l’inconscience? Brad -- Sans façon, mon brave! Flavien -- Certain, certain? Parce que moi, t'sais, ça va m’faire plaisir! Ça serait ma B. A. pour aujourd’hui!! Capitaine -- Flavien, c’est pas grave là... [à tous] On va-tu au campement? J’commence à avoir faim, pis un p’tit feu pourrait pas nous faire de tort!! Petrolia -- Oui! Pis j’vais aller voir Roger-Émilien, ya dû s’ennuyer! Ils commencent à se diriger vers le campement et parlent en marchant. Brad -- Balivernes... Un raton laveur qui s’ennuie... Petrolia -- C’est sûr que vous devez pas comprendre ça, vous! J’me demande si quelqu’un s’est déjà ennuyé de vous... Brad [un peu piteux] -- Heille!! Yen a déjà du monde qui m’a aimé, vous saurez... [réfléchit] Passe-Partout m’aimait, tiens, a me l’disait...!! Tous les jours, à 6 h!! Bob -- Ben a devait pas l’penser!! Ils arrivent dans le campement. Brad est quelque peu renfrogné et s’écarte un peu des autres. Brad [entre ses dents] -- Vous allez voir si personne m’aime... Tous se dirigent vers leurs tentes pour aller porter leur sac. Brad va dans le centre du campement. Brad -- Tiens bon, Brad, y t’reste pu beaucoup de temps à jouer le sous-fifre... Dans pas long, yaura pas d’autre boss que toi!! Brad s’affaire à deux ou trois choses sans importance autour du feu. Pendant ce temps, on voit en arrière-plan Bob sortir de sa tente et se rendre dans la marquise. Une trentaine de secondes plus tard, on l’entend parler assez fort. Bob -- On dirait qu’ya quelqu’un qui s’est servi dans mes réserves...!! Brad lève la tête et regarde en direction de la marquise, sur ses gardes. Bob sort de celle-ci, reste debout et le regarde. Il se laisse gagner par la colère et les choses empireront au fil de ses prochaines répliques. Bob -- Comme ça, Brad, vous avez eu une petite envie de pogos? Brad -- Pourquoi moi? Vous savez pas, c’est peut-être ce raton laveur stupide! Bob approche à deux pouces de Brad, qui se lève, et le regarde dans les poils de nez. Bob -- Ben oui, c’est ça!! Le raton aurait pris la peine de tout ramasser, de balayer un peu et de vaporiser un peu de sent-bon PoushPoushTulipp à la fraîche odeur de pomme caramélisée? Brad [sent venir la claque] -- Ouain... C’était pas une ben bonne idée! C’est ça j’disais, c’t’un raton stupide! Bob empoigne Brad par le collet. Bob -- Quand j’suis parti, yavait 813 pogos!! Maintenant, yen a 809!! Ça, ça veut dire que vous en avez pris... [réfléchit] 4! J’pense! Savez-vous c’que j’ai envie d’faire? Brad -- Non...? Bob -- J’ai envie de prendre les quatre bâtons de pogos pis d’vous les rentrer din yeux jusqu’à c’que ça vous pique dans l’derrière d’la tête!! Ça vous tente-tu? Brad -- Non! Bob -- Qu’est-ce qu’on dit? Brad -- On dit : « j’m’excuse, j’en prendrai pu! » Bob lâche Brad et se relâche un peu. Bob -- Bon. Mais si j’vous reprend, ça ira pas bien!! Heille vous rendez-vous compte qu’à cause de vous, j’pourrais être forcé de perdre du poids?? J’veux pas avoir l’air de ces mannequins qui sont tellement maigres qu’on voit leurs côtes!! Ça m’ferait pas bien! Moi j’ai besoin d’être confortable. J’va quand même pas devenir anorexique! [après quelques secondes, sur un ton sérieux] Ça m’a déjà fait peur, vous savez... Ça peut arriver à n’importe qui, n’importe quand... On s’dit toujours que ça arrive juste aux autres, mais on est pas à l’abri! L’anorexie est un mal grave!! Non, vraiment, y faut que j’fasse attention à mes réserves de pogos. Sinon... j’aime autant pas y penser! J’pourrais devenir... AAAAH!! J’pourrais devenir comme vous!! Bob se détourne de Brad et fait quelques pas, abasourdi par cette pensée dramatique. Brad [pour lui-même] -- Tsss... J’aime mieux être mince, intelligent et un tantinet feluette qu’un gros niaiseux qui s’assume pas... On entend le capitaine parler du côté où Bob est sorti. Il s’approche de Brad et arrive à côté de lui en parlant. Capitaine -- Brad? Bob a l’air étrange, que lui avez-vous dit? Brad -- Que les sondages l’avantageaient autant qu’un tutu avantagerait un rhinocéros lépreux... Capitaine -- Hein? Brad -- Ben non, c’est lui qui s’est downé tout seul là... Yé persuadé que si y mange moins, y risque de devenir anorexique... Un autre magnifique raisonnement du grand Bob Einstein! Capitaine -- Brad... Vous pensez pas qu’vous devriez essayer de vous faire un peu moins haïr maintenant? Brad [d’un air satisfait] -- C’est quoi, vous voulez obtenir un traitement de faveur quand j’vais être élu président? Capitaine -- Ben non... C’est juste que quand la mmmmission [regarde en haut en gauche] sera terminée, on aura pu trop de raison de vouloir se taper dessus et on pourrait essayer de faire la paix un peu... [Le capitaine regarde Brad quelques secondes. Celui-ci garde le même air. Le capitaine semble se résoudre. Son ton montera graduellement.] Ben non, qu’est-ce que j’me raconte? Ya rien à faire avec vous! Chien sale un jour, chien sale toujours! C’est dans votre nature! Ça a rien à voir avec la mission, vous êtes comme ça, POINT! Si on avait été assis l’un à côté de l’autre à la maternelle, ça aurait été exactement pareil! Au secondaire, aussi! Au Cégep, même affaire! À l’Université, aucune différence! Pis à l’épicerie! Pis chez l’coiffeur! Pis au hockey! Pis au cinéma! Pis chez l’médecin! Pis chez l’dentiste! Pis dans l’autobus! Pis dans l’métro! Pis en bateau! Pis en radeau! Pis -- Il est coupé par Valence, qui vient d’arriver et de lui mettre la main sur l’épaule. Elle le regarde d’un air réconfortant. Il se calme et s’éloigne. Valence regarde Brad d’un air presque maternel. Brad la regarde, d’un air piteux. Brad -- Thérapie...? Valence -- Non, Brad... Pas cette fois-ci, j’pense que vous en avez pu besoin. Vous êtes bien ici, vous avez un bel avenir devant vous, pis la mission est pratiquement finie... Hein? Brad -- Ouain... Mais... P’t-être que j’aimerais ça, moi, avoir une dernière thérapie? Hein? Pour me donner un peu de confiance avant les élections? Valence, qui avait commencé à se tourner dos à Brad, se retourne face à lui. Elle le regarde, surprise. Valence -- Vous, Brad, voulez me voir en thérapie? Brad -- S’il vous plaît? Valence -- Ben j’aurais pas cru voir ça un jour... mais v’nez avec moi! Valence et Brad se dirigent vers la tente de Valence et du capitaine et y entrent. On voit ensuite que Brad s’est étendu sur un sac de couchage et que Valence est assise à côté de lui. Valence -- Alors, Brad, par où on commence? Vos angoisses? Vos envies de vengeance? Les traumatismes de votre enfance? Vos rêves? Vos actes manqués? Brad -- Au chapitre des actes manqués, l'autre jour, dans l'vaisseau, j'faisais un combat de coqs extrême avec Flavien dans le poste de défense pis j'voulais le pitcher en bas pour rire, mais juste comme j’commençais à prendre le dessus, c’est moi qui est tombé... Valence [l’air pensif] -- Hmmm... Étrange... Brad -- J’ai beaucoup réfléchi après avoir repris connaissance, pis j’me suis dit que ça devait être mon subconscient qui, dans l’fond, voulait pas que Flavien tombe... Alors j’l’ai chicané, mais après, j’me suis dit que j’m’étais peut-être aussi juste enfargé... Valence [commençant à ronger un crayon plomb] -- Hm hmm... Brad -- Qu’est-ce que vous en pensez? Valence -- J’pense premièrement que c’est pas fin de chicaner votre subconscient pour rien... Brad -- Ça j’suis d’accord... Valence -- J’pense aussi que c’était niaiseux de pas fermer la porte en haut... Brad -- Hm hmmm... Valence -- Pis j’pense que si vous l’aviez fait, j’serais pas en train de me demander c’que j’en penses!! Brad -- Pis... c’est tout? Valence -- Non... J’pense que vous vous êtes enfargé. C’est pas un acte manqué. Brad -- Ah... Croyez-vous à ça, vous, les actes manqués? Valence -- Bien sûr, comme en toutes les théories de Freud... Vous savez que notre subconscient prend beaucoup d’place, hein! Tout c’qu’on contrôle pas vient de là... Avez-vous autre chose à dire sur les actes manqués? Brad -- Bah non, j’pense pas... Sauf peut-être la fois où j’avais voulu remplacer les pogos de Bob par des bâtons de dynamite peinturés en brun... Ouf, c’est pas des beaux souvenirs... Valence -- Racontez-moi, ça va vous faire du bien. Brad -- Ok. Ben ça c’est passé un beau matin de janvier... Bob travaillait sur la carlingue... L’image coupe et revient. On lit les mots « Deux heures plus tard ». Valence grignote toujours un crayon plomb. À sa droite, il y a un tas assez volumineux de bois grignoté (presque du bran de scie) et de plomb. On devine donc qu’elle a grignoté une quantité phénoménale de crayons. Brad -- Ya la fois où j’ai rêvé que ma mère me courait après avec une hache en criant qu’elle allait m’tuer pis que j’avais pas eu d’affaire à manger l’chat... Quand j’me suis réveillé, j’étais traumatisé... Valence -- J’comprends don’... Vous auriez dû me l’dire ben avant... Brad -- Ouais mais ya pire... J’ai... J’ai déjà rêvé que... que Serge Laprade faisait un comeback!!! Valence met les mains devant sa bouche et tremble. Elle est très secouée. Valence -- Pas v..vrai..?? Brad [au bord des larmes] -- OUI!! Valence -- Mon Dieu, Brad! Vous auriez pas dû garder ça pour vous!! Ça a pas d’allure... Faut PARLER de ces choses-là!! C’est comme la mortalité ou... le suicide... On peut pas garder ça sur la conscience!! Brad [pleurant] -- Je sais, mais j’voulais juste oublier, vous comprenez... Oublier... Valence prend Brad dans ses bras et le berce doucement, pour le consoler. Puis, elle l’éloigne un peu. Valence -- Ça va mieux? Brad [séchant ses dernières larmes] -- Oui... Ça a fait du bien. Valence -- Un p’tit retour en enfance, Brad, pour se changer les idées? Brad [se recouchant] -- Ah tiens, pourquoi pas... Ça pourra pas m’faire de tort... Valence -- Bon. Fermez les yeux... [Brad les ferme et s’installe confortablement. Valence sort un cahier et un crayon.] On va retourner... Tiens, on va retourner à votre entrée au secondaire. Voulez-vous? Brad fait signe que oui. Valence -- Bon. Vous avez douze ans, c’est la rentrée. Qu’est-ce que vous voyez? Brad -- J’vois que j’me suis fait donner un casier à moi tout seul, pis que j’vais mettre mon cadenas dessus. Je regarde mon voisin à côté pis y cache pas son cadenas, ça fait que je regarde sa combinaison pis je l’écris dans ma main. Valence -- Pourquoi vous faites ça? Brad -- Ben ya cachait pas... C’tait à lui à la cacher... Valence -- Bon. Ensuite? Brad -- Après, j’m’en vais à mon premier cours. C’t’un cours de maths. La prof, j’la trouve tu suite grosse pis laide... Pis j’me dis qu’a doit être conne. J’m’assis en arrière. Valence -- Bon. Jusque là tout est normal. Ensuite? Brad -- J’prend mon efface, pis je commence à la défaire en ti morceaux pour les pitcher. J’les mets dans un ti tas. J’mets le ti tas à gauche. J’mettais toujours le ti tas à gauche, j’sais pas pourquoi. J’écris sur mon bureau. Valence -- Qu’est-ce que vous écrivez? Brad -- Ben que la prof était conne... que l’école c’était poche... Des affaires comme ça, j’m’en souviens pu... Valence -- Et après? Brad -- Après, le cours a commencé. Elle a pris les présences, pis j’étais vers la fin de la liste, parce que Spitfire, ça vient loin dans l’ordre alphabétique. Valence ferme son cahier. Valence -- Bon ben écoutez Brad... J’vous mentirais si j’vous disais que tout cela m’intéresse. Contre toute attente, vous aviez l’air d’être un étudiant normal... J’pense qu’on peut revenir à la réalité. Pis y va falloir qu’on aille souper, c’est l’heure. Brad -- Vous êtes sure que vous voulez pas savoir c’était quelle mélodie qu’a jouait, la cloche? Vous savez, elle est sur l’album double des Meilleures mélodies de cloches d’école, sorti en 2015! Valence [en souriant] -- Non, non... Ça va aller. Allez! On va souper! Brad se relève. Brad -- Merci Valence... Ça fait du bien... Valence -- Ah Brad, ça m’fait plaisir! Brad -- Valence, quand la mission va être finie, si j’veux consulter une psy, c’est vous que j’vais aller voir! Valence [touchée] -- Brad, ça me touche. Vraiment! Brad -- Vous devez avoir hâte d’avoir un vrai cabinet. Valence -- Ouais... ouais, assez... Quelque chose de beau, avec un divan... Ça s’en vient!! Tous deux se dirigent vers la porte de la tente et Brad laisse passer Valence devant lui. Ils se dirigent vers Flavien, Bob et Serge, qui sont dans le centre. Il doit être 18 h 30, environ, ou peut-être un peu plus tard; le soleil se couche. Valence a un peu de bois entre les dents. Valence -- Bon ben on soupe-tu? J’commence à avoir faim, moi-là... Flavien [pointant un peu Valence] -- Valence, vous êtes-vous battue avec un castor...? Valence -- Heu... Non, pourquoi...? Flavien -- Parce que vous avez comme un peu de bran d’scie entre les dents, là... Valence passe un ongle entre ses dents et en enlève le bois qui y était effectivement. Valence -- Merci... Vestiges de thérapie... Flavien [un peu perplexe] -- Ah... Bob -- Vous donnez des thérapies à des castors? Valence -- Ben non, Bob... Bob -- À des termites? Valence -- Bon, ça va faire là... Brad [imaginant] -- Valence Leclerc, psychologue, saura s’occuper de vos p‘tites bibittes! Brad et Flavien éclatent de rire. Bob -- Ben quoi ça s’peut... Des termites aussi ça peut faire des dépressions... Valence [avec une impatience exagérée] -- On va-tu manger?!?? [Parodiant Presswood] Si vous êtes pas avec moi, vous êtes CONTRE moi!! Bob -- Moi Valence j’suis avec toi!! Brad -- Moi j’passe mon tour cette fois-ci... Flavien -- Niaiseux! Valence -- Envoyez!! Les trois se dirigent vers la marquise et disparaissent à l’intérieur de celle-ci. Changement de séquence. Nous sommes le lendemain, en après-midi. Flavien et Bob sont dans le champ où Valence et Petrolia cueillaient des fraises plus tôt dans l’histoire. Flavien dit quelque chose à Bob avec de grands gestes, puis court jusqu’à une extrémité du champ. Bob reste sur place. Flavien [assez fort] -- Heille j’capote!! Imagine, Bob!! On met un but ici... Il court vers l’autre extrémité... Flavien -- ...pis l’autre ici!! C’est super grand!! Il revient en face de Bob et pose ses mains sur ses épaules. Flavien [reprenant son souffle] -- On aura jamais vu un terrain de hockey cosom aussi hot que ça... J’le vois déjà... La Mercedes des terrains... Bob -- Ouais... mais y va falloir raser le champ pis toute... Flavien -- Je l’sais pis c’est ça qu’j’aime pas... Mais... Quand tout l’monde va être arrivé anyway Bob, ça restera pu comme ça ben longtemps, on va bâtir des ponts pis des autoroutes pis des buildings pis... Fak tant qu’à ça, on peut ben commencer à penser au premier terrain de hockey cosom... de la planète! Hein! Capotons, Bob! Bob -- Ben ok!! Flavien et Bob crient au sautent partout, puis ils commencent à faire semblant de jouer. Changement de séquence. Quelque temps plus tard, après souper. On voit Petrolia, dans sa tente, qui lit. Bob fait une ouverture dans la porte et passe la tête. Bob -- Petrolia, est-ce que j’peux j’t’parler? Petrolia [sans lever les yeux] -- Ben oui, Bob, entre! Elle ferme son livre et s’assoit face à la porte. Bob entre aussi et s’assoit devant elle. Bob -- Petrolia, j’angoisse... Petrolia -- Comment ça, Bob? Bob -- J’ai peur de perdre les élections... Ben pas juste de perdre, de me faire clancher comme faut en fait... T'sais moi j’ai pas une grande expérience là-dedans hein... Flavien pis Valence me rassurent, mais je sais pas, y disent p’t-être juste ça pour être fins... Fak j’ai décidé de venir te voir toi pour savoir c’que t’en penses... Petrolia -- Chu pas sure d’être la bonne personne Bob, j’ai jamais vécu sur Terre pis j’sais pas comment ça marche d’habitude les élections pis la politique! J’connais rien là-dedans... Bob -- Ouais, mais de toutes les personnes que j’connais, t’es la meilleure pour dire c’que tu penses... T’sais la plus franche! Petrolia [mal à l’aise] -- Ouain... Bob -- Pis t’as vu comment j’me débrouille à date, qu’est-ce que t’en penses? Petrolia -- Ben, j’sais pas trop... T'sais Bob, en moi, ya deux Petrolia : la Petrolia pas barrée, qui dit tout c’qu’a pense, pis la Petrolia sympathique, qui te rassure quand t’en as besoin pis qui te réconforte. Ben en ce moment, la Petrolia pas barrée te dirait peut-être que t’es autant à ta place qu’une coccinelle boiteuse dans un parking d’hippopotames, mais la Petrolia sympathique a envie de te dire de garder espoir, que tout est pas encore perdu... C’est pas évident... Comprends-tu? Bob -- Ben en gros, la Petrolia pas barrée me dit que j’vais m’faire piétiner, mais la Petrolia sympathique me dit qu’y faut qu’je l’prenne avec le sourire? Petrolia -- C’est ça... ben... non... Écoute, Bob, oublie c’que j’viens d’te dire. C’qu’y faut que t’écoute, c’est la petite voix en toi... Qu’est-ce qu’elle te dit? On entend un gargouillis produit par le ventre de Bob. Bob -- Que j’ai encore faim? Petrolia -- Ben non, Bob, pas cette voix-là...! Bob -- La cousine de cette voix-là? Petrolia -- Si tu veux, oui... Bob -- La voix qui n’a pas faim. La voix qui saigne du nez? Petrolia -- Ta voix intérieure saigne du nez?! Bob -- Ben des fois, oui, quand elle se sent un peu dépassée par les événements... Petrolia -- Bon ben donne un kleenex à ta voix intérieure, là, dis-y de pencher la tête par avant, pas par arrière... ou ça serait pas plutôt par en arrière? Heu... en tout cas, après, écoute-la bien. Sans dire un mot, d’un air sérieux presque solennel, Bob prend un mouchoir dans une boîte tout près et commence à se l’entrer dans la bouche. Petrolia l’arrête. Petrolia -- Bob, j’parlais au sens figuré... Bob [la bouche encore pleine] -- Ah... Il sort le mouchoir de sa bouche et le pose tout près. Petrolia regarde le mouchoir humide avec un vague dégoût et Bob prend presque immédiatement un air semblable. Bob -- Ark... Petrolia -- Quoi? Bob -- Ben yétait avec lotion... Petrolia -- Ah... Bon. Là écoute ta voix. Qu’est-ce que t’entends? Bob -- J’peux-tu prendre la voix que j’veux? Petrolia -- Han? Bob -- Ben j’peux-tu choisir la voix que j’veux pour être ma voix intérieure? Comme mettons la fille qui disait les stations dans l’métro? J’l’aimais moi elle! Chaque fois que j’prenais l’métro et que j’entendais sa voix, c’était comme un ange... Un ange souterrain qui m’disait qu’on était à la station Square Victoria... Petrolia -- Pis était dans l’métro tout l’temps pis c’tait ça sa job? Bob -- Ben oui!! J’te dis qu’a travaillait fort!! Petrolia -- Ah ben... Ça devait devenir monotone un moment donné... Ben en tout cas oui, prend la voix qu’tu veux! Si ça peut t’aider! Bob -- Bon. Parfait. J’écoute. Bob et Petrolia se taisent. Bob ferme les yeux et semble méditer. Après un moment... Bob -- J’pense que j’vais continuer... A m’dit surtout que si j’perd, ça sera pas la fin du monde, mais que tant qu’à avoir commencé, j’serais mieux de continuer jusqu’à la fin... Petrolia [prenant la main de Bob] -- Tu sais quoi, Bob? J’pense qu’elle a raison... Bob sourit. Bob -- Pour l’instant j’ai surtout faim, j’pense que j’vais aller m’taper un p’tit snack... mais avant, ça va bien avec Flavien? Petrolia regarde Bob. Elle trouve qu’il a l’air très zen et sourit un peu de voir qu’il semble maintenant très confortable avec leur relation. Petrolia -- Oui Bob, ça va super bien... On parle d’enfants, pis... [son visage semble s’illuminer] y m’a fait la grande demande!! Bob -- Oui, j’sais, y me l’a dit... Pet, t'sais j’suis super content pour vous deux! Ça a pas toujours été ça, mais maintenant je l’vois qu’vous êtes faits pour être ensemble... T’es ben mieux avec lui qu’avec moi! Petrolia regarde Bob quelques secondes, l’air sérieux. Mais cet air se dissipe très rapidement et un grand sourire le remplace. Elle prend Bob dans ses bras. Petrolia -- J’suis contente... [puis, s’éloignant un peu] J’ai l’impression que tu nous donnes ta bénédiction. Bob -- Ben ya rien là... Bon... [se tournant vers la porte et commençant à l’ouvrir] J’vais yaller là... [se retournant une dernière fois vers Petrolia, souriant] Merci beaucoup. Petrolia -- Ça m’a fait plaisir, Bob! Bonne soirée! Bob -- Toi aussi!! Bob sort de la tente. On voit encore quelques secondes Petrolia, qui a l’air songeur. Changement de séquence. Nous sommes du point de vue de Bob. Il pousse une grande porte de bois rêche, non peint et non verni, et entre dans une grande pièce obscure remplie de fumée plus ou moins dense. Au mur, près de lui, on entend une horloge dont les aiguilles avancent au rythme du pas militaire. Bob fait quelques pas incertains, puis une main se pose sur son épaule. Il se retourne. Brad est là. On le voit à peine, on reconnait tout juste son visage, mais on voit bien ses yeux. Il est très près de Bob et semble menaçant, mais irréel à la fois, presque comme un spectre. Il parle lentement, s’arrêtant parfois deux ou trois secondes entre des phrases ou des bouts de phrase. Il marque une pause un peu plus longue, comme une réflexion, entre son premier mot et la suite. Brad -- Bob... Bob, veux-tu être ma première dame, Bob...? J’y pense souvent, t’sais, pis j’trouve que tu ferais une bonne job... Pis ça va te consoler de pas avoir gagné... Bob... Bob, si t’es ma première dame, on va pouvoir payer une psychologue à nos termites... Hein, Bob...? C’t’important, Bob, la santé des termites... Bob... Ta voix intérieure aime-tu ça, elle, le hockey cosom? Station Berri-UQAM... Station Champ-de-Mars... Station Place-D’Armes... Tu l’entendras plus jamais cette voix-là, Bob, y as-tu pensé en cinq ans...? Hein, Bob...? Bob... [sortant un mouchoir] Veux-tu un p’tit kleenex à la lotion, Bob? [suivant le rythme de l’horloge en secouant le mouchoir de gauche à droite et de droite à gauche] Gauche, droite, gauche, droite, gauche... Gauche, droite, gauche, droite, gauche... Gauche, droite... Changement de séquence, tente de Bob et Serge, dans la noirceur la plus totale. Bob [très fort] -- AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHH!!!!!! Le silence retombe presque, mais on entend la respiration paniquée de Bob. Faible voix hors champ venant d’une autre tente -- Ta yeule... Serge allume une petite lampe. Serge-8 -- Un problème...? Bob [reprenant son souffle difficilement] -- J’ai fait un... un cauchemar... mais... c’est la première fois j’le fais... J’suis correct... Serge-8 -- C’était quoi? Bob -- C’était Brad... mais pire que d’habitude... pis yavait une horloge... Serge-8 -- Rendors-toi, ça va passer. Bob -- Ouain... j’va essayer!! Bonne nuit!! Serge-8 -- Bonne nuit. Serge ferme la lumière. Il renifle. Bob -- Serge? Serge-8 -- Quoi? Bob -- T’es un robot, t’es po censé renifler! Serge-8 -- Petrolia m’a installé un dispositif pour que je puisse le faire, elle pense que ça peut m’aider à guérir de ma poulèzédindite. Bob -- J’vois pas le rapport! Serge-8 -- Moi non plus, mais elle doit savoir ce qu’elle fait... A dit qu’ça marche comme ça de nos jours, en médecine! Bob -- Ah bon... Bonne nuit! Serge-8 -- Bonne nuit! Changement de séquence. ***
Ça commence à achever! Yé!! À suivre.
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Écrit par Douce-Amère le Oct 5, 2016 18:50:19 GMT -5
Nous sommes quatre jours plus tard, vers midi. Dans le centre du campement, tous mangent autour du feu en discutant, sauf Brad. Celui-ci sort de sa tente, habillé en complet et cravate, très chic. En ajustant sa cravette, il se dirige vers le centre. Flavien pousse un sifflement d’admiration ironique. Flavien [ironique] -- Ouain, ouain, ouain!! Vous vous mariez, Brad? Brad -- La stupidité, c’est contagieux, vous devriez arrêter de vous tenir avec Bob... C’est l’grand jour, aujourd’hui, espèce de p’tit bonhomme vert niaiseux!! Flavien [le niaisant] -- Oh, scusez... Alors à quand, le couronnement? Brad -- Dans trois heures, retardé à batteries! Ça coûte rien de se tenir au courant! Flavien semble vouloir se lever pour battre Brad, mais Valence, assise à côté, le retient. Brad regarde maintenant Bob, qui est habillé presque comme d’habitude, peut-être un peu plus chic. Brad [ironique] -- Mon Dieu!! C’est du Dior? Allô, c’est les élections pour vous aussi! À moins que vous ayez entendu raison et que vous ayez décidé de vous désister? Bob -- Bien sûr que non! Je veux simplement qu’on me voit comme je suis réellement. Je suis au naturel, moi! Tout l’monde aime ça! Hein, Flavien? Flavien -- Oui, oui, Bob, c’est sûr... Brad -- Bon, pour c’que vous avez encore à perdre, de toute façon! Vous vous êtes planté comme y faut! Les frères Hayeulle aussi... Y reste juste moi, finalement, dans la course!! Hahaha! J’suis même pas stressé! Petrolia -- Moi j’pense que vous devriez l’être! C’est pas encore gagné pour vous non plus! Y sont pas assez fous pour voter pour vous, en tout cas, moi, j’suis allée tantôt sur Mackenzie 15 pis j’ai voté pour Bob! Brad -- Ça a jamais marché sur de l’asphalte pis ça s’pense un exemple à suivre... Capitaine -- Bon, bon, calmez-vous, on verra dans trois heures... Quand est-ce que vous y allez? Brad -- J’sais pas, peut-être dans une heure... Bob -- Ouais, moi pis Flavien aussi, le temps d’arriver pis de se préparer... Capitaine -- Bon. Nous, nous partirons vers 14 h. Ce sera suffisant. Brad -- Êtes-vous allés voter? Le capitaine regarde Brad, haineux. Petrolia, voyant venir sa réponse, prend un air fier. Capitaine -- Oui, ce matin, et j’ai voté pour Bob. Serge-8 -- Moi aussi, ben j’ai voté comme Petrolia... Brad regarde Serge. Brad -- Voyons donc, depuis quand les androïdes ont le droit de vote? Serge sort un petit livre sur lequel il est écrit Charte universelle des droits de l’Androïde et l’ouvre pour le consulter. Serge-8 -- Depuis l’an 2021. C’est un androïde-orchestre du nom de Balthazar qui a décidé de revendiquer ce droit, tanné de ne jamais être pris au sérieux. De nombreux autres androïdes ont décidé de l’appuyer et ils ont finalement obtenu le droit de vote dans tout l’Univers. Serge ferme la Charte. Brad -- Bon... Pas important... Et vous, Valence? Valence -- Moi, je m’abstiens... J’irai pas voter, ça m’intéresse pas... J’m’en fous un peu! Brad -- Et votre devoir de citoyenne? Valence s’approche très près du visage de Brad. Valence -- De toute façon, Brad, si j’votais, ce serait pas pour vous. Alors qu’est-ce que ça peut bien vous faire? Brad se détourne, un peu déçu de voir qu’aucun membre de l’équipage n’a voté pour lui, mais reprend vite sa contenance. Brad -- Bon, j’vais aller finir de m’préparer... On s’voit tantôt, donc! Valence -- C’est ça! Tous reportent leur attention sur le feu. Bob -- Heille merci, gang, de m’appuyer comme ça... Petrolia -- Ben ya rien là, Bob, t’es celui qu’on connait le mieux pis celui en qui on a le plus confiance sur les quatre! Capitaine -- C’est vrai! On sait pas encore grand chose sur les deux autres et j’sais pas pourquoi, mais juste leurs noms sonnent perdants je trouve. J’aime mieux pas prendre de chance. Serge-8 -- Est-ce que c’est à vot’ goût? Petrolia [légèrement découragée] -- Aaaaaaaahhhhhh... Serge, mautadine... Mets-y du tien, là, ok? Serge-8 -- C’est un dérèglement, Petrolia, même si j’voulais...! Petrolia -- Oui, mais là ça a comme pu trop d’bon sens! J’t’ai défait au complet, j’ai huilé toutes tes pièces, j’t’ai mis de l’antirouille neuf, j’t’ai fait écouter d’la musique Nouvel âge... Marche pas!! J’sais pu quoi faire! Flavien -- Peut-être que c’est juste une question d’temps... Valence -- Peut-être qu’ya besoin d’une thérapie! Petrolia -- Ben non voyons, c’t’un robot, ça peut pas être psychologique... T’as raison Flavien, ça doit être une question de temps. De toute façon, ça va de mieux en mieux quand même... Serge-8 -- Bon. Tu vas voir, y m’en reste pu pour longtemps. Bob -- Bon ben j’vais aller me préparer aussi. On se rejoint pour yaller Flavien? Flavien -- Oui!! Vers 1 h! Bob -- Ok!! Bob se lève, marche jusqu’à sa tente et y entre. Flavien le suit des yeux. Valence -- Pauvre Bob, ça sera pas fort pour lui... Petrolia -- Mais quand j’yai parlé, yavait l’air correct avec ça. Y m’a dit que si y perdait, ça y ferait pas tant de peine que ça. Valence -- Ouain. Mais quand même. Capitaine -- Ouais. Le plus qu’on peut faire, c’est être là pour lui! Les autres montrent silencieusement leur accord. Petrolia dépose son assiette, bientôt imitée par les autres. Petrolia -- Bon, j’pense que j’vais retourner voir Roger-Émilien. Flavien, viens-tu? Flavien -- J’va pas y faire peur? Petrolia -- Ben non... J’y ai parlé d’toi!! Flavien -- Ben... ok! Flavien et Petrolia se lèvent en vont dans la forêt. Ne restent que Valence, Serge et le capitaine. Capitaine -- J’sais pas si j’ai hâte de voir ça... Valence -- Bof, tsé, la politique, faut pas trop prendre ça au sérieux. Dans l’fond, c’est un gros jeu! Serge-8 -- Peut-être, mais c’est un peu les politiciens au pouvoir qui décident de notre vie, non? Valence -- Ben si on peut dire... Mais on a pas le choix de se contenter de ce qu’on a de toute façon, donc aussi ben faire avec. Capitaine -- T’as p’t-être raison. J’sais pas. C’est vrai qu’on s’débrouillait pas pire sur Terre, malgré tout. On était jamais contents, mais des fois on avait pas à s’plaindre pis on l’faisait quand même. Peut-être que dans l’fond on s’plaignait souvent pour rien. Valence et Serge hochent la tête en signe d’assentiment. Valence -- Bon. J’ai des choses à faire dans la tente, un peu d’ménage, pis j’vais me préparer un peu pour tantôt aussi. Capitaine -- Moi j’pense que j’vais aller me promener un peu, Serge, venez-vous? Serge-8 -- D’accord! Valence -- Bon, à tantôt! Capitaine [s’éloignant avec Serge] -- 2 h! Valence -- Parfait! Valence entre dans sa tente, le capitaine et Serge disparaissent dans les bois. Changement de séquence. Nous sommes sur Mackenzie 15, sur la même place publique où les candidats avaient fait leurs discours électoraux il y a quelque temps. Les gradins sont remplis d’une foule excitée. Devant sont disposés les mêmes cinq lutrins, derrières lesquels sont les frères Hayeull, l’animateur ainsi que Brad et Bob, aux mêmes positions que lors des discours. En retrait, on peut voir quelques personnes comptabiliser des votes. L’animateur joue un peu avec son micro et prend ensuite la parole énergiquement.Animateur -- Chers Koshissiens, chères Koshissiennes, je vous souhaite à tous et à toutes la bienvenue à nos Élections présidentielles 2039. Comme vous le savez, les deux dernières semaines ont été riches en rebondissements et en excitation. C’est au terme d’une campagne électorale fort corsée et palpitante que nous sommes réunis aujourd’hui pour connaître le nom de celui qui, pour les cinq prochaines années, prendra en main les rênes de notre galaxie et assurera notre prospérité sur tous les plans. À ma droite, vous pouvez voir quelques comptables de la firme Desjardins, Bidou, Royal et Lebrun s’affairer à dépouiller vos votes qui, et nous vous en remercions, ont été très nombreux. Le public lance quelques « youhou » et autres cris. Animateur -- Vous serez ensuite invités à consulter les journaux de vos planètes pour vous informer des dates de visite officielles du président dans vos circonscriptions... L’un des comptables se lève et se rend au lutrin de l’animateur avec un papier. Il lui donne ce papier, lui dit quelques mots et retourne avec les autres. L’animateur, tout sourire, reprend la parole. Animateur -- Eh bien, Mesdames et Messieurs, la comptabilisation des votes est maintenant terminée. Il me fait grand plaisir de vous annoncer que la lauréate du prix Miss Galaxie 2039... [se reprend] Heu, non, ça c’était la semaine dernière... Que le nouveau président élu de la galaxie Koshissi est, par une grande majorité des voix, Monsieur Brad Spitfire!!! La foule est hystérique. Brad, à son lutrin, feint d’être très surpris et, tout sourire, se rend au lutrin de l’animateur. On voit au passage Bob, qui semble déçu sans être trop au désespoir. Brad arrive au lutrin de l’animateur, qui lui laisse la place. Brad [faussement surpris] -- Eh bien... Ouf! Quelle surprise! [feint de reprendre ses esprits] Chers Koshissiens, chères Koshissiennes, si l’on m’avait dit, il y a deux ans, que je deviendrais président d’une galaxie, je ne l’aurais pas cru. Je n’ai pas assez de mots, chers concitoyens, pour vous dire à quel point je suis fier et comblé d’avoir été élu par vous. Rien ne pourrait me faire plus chaud au coeur que cet hommage que vous me rendez et maintenant que je suis votre président, je prends comme engagement de veiller à ce que la galaxie soit un endroit merveilleux où vivre, pour les petits comme pour les grands. Je m’engage solennellement [il met sa main sur son coeur] à ne jamais, au grand jamais, vous décevoir et à faire en sorte que vous vous félicitiez de votre choix. Chers amis, c’est donc avec une joie sans bornes que j’accepte ce titre. Votre bien-être est ma priorité et je ne m’accomplirai que par l’entremise de votre félicité. Il n’existe pour moi nul joyau plus précieux que mon peuple et son bonheur. Longue vie à Koshissi et aux Koshissiens!!! Les applaudissements, cris et sifflements fusent de partout. Brad regarde son public, glorieux et rempli d’un réel bonheur. On voit maintenant Bob, puis le capitaine, Valence, Serge, Petrolia et Flavien. Leurs visages affichent une déception difficile à dissimuler. La caméra revient brièvement sur le visage glorieux de Brad. Changement de séquence. Non loin derrière les estrades, sur une portion de champ dont l’herbe est rase, sont réunis le capitaine, Valence, Serge, Petrolia, Flavien et Bob. On n’entend pas réellement ce qu’ils disent, mais les cinq premiers sont vraisemblablement en train de consoler ou de réconforter Bob. Brad arrive des estrades; on présume qu’il a été escorté par des gardes du corps, mais que ceux-ci sont restés aux estrades. Il va les rejoindre. Flavien -- Ah ben, si c’est pas le président!! Valence -- Ben oui, que nous vaut cet honneur? Brad [sur un ton faussement sérieux] -- J’ai juste une chose à dire... Brad commence à gambader gaiement en rond autour des six autres en chantant. Brad [chantant] -- Lala la laaaa!! Lala la laaaa!! Lala la laaaa!! Lala la laaaa!! Lala la laaaa!! Lala la...Comme Brad arrive à la hauteur du capitaine, celui-ci lui fait une jambette et il tombe par terre en plein visage. Brad [faiblement] -- Ayoye..! Capitaine -- Comment c’t’homme-là a pu finir ses études en sciences sans s’faire tuer avant, j’me l’explique pas! Petrolia -- Pis ça vient s’vanter! Brad se relève péniblement, piteux, et secoue ses vêtements. Brad -- Heille! Vous pourriez être fiers de moi, je viens recueillir vos félicitations! Flavien -- Être fier de vous? Vous êtes sale, vous avez pas d’mérite! Vous êtes un politicien, ça fait pas de vous un être humain plus valeureux qu’avant! Non, j’suis pas fier de vous! Petrolia -- Moi non plus! Capitaine -- Moi non plus! Brad [un peu blessé dans son orgueil] -- Bon... Ben de toute façon c’est pas grave, bientôt j’aurai pu rien à voir avec vous! Vous êtes pas importants dans ma vie, vous êtes... accessoires! [se tournant vers Bob] En passant, Bob, félicitations, bel effort... Bob -- Bof, j’pense que finalement, j’suis mieux comme je suis, j’ai pas besoin de politique... J’voulais juste vous empêcher de gagner au départ, ça a pas marché, pis être politicien finalement j’pense que c’est p’t-être pas pour moi! Brad -- Ben oui, y disent tous ça... Valence -- Brad, rentrez-vous avec nous au campement, ou vous entrez en poste tout de suite? Brad -- Je vais aller au campement pour l’instant, mes choses sont encore là bas et j’en ai encore à aller chercher sur le vaisseau. J’pense que j’vais rester avec vous jusqu’à ce que vous envoyiez les coordonnées à la Terre, puis je vais emménager ici, dans mes quartiers présidentiels... Qui ne sont pas encore prêts, d’ailleurs, y refont les planchers... J’leur ai demandé aussi de m’installer le câble, y m’ont dit que ça servait à rien parce qu’ici y avait pas de télé, j’leur ai donc demandé de créer des studios de télévision pour moi. Ça devrait se faire sous peu. Des stations de radio aussi. Yont pas grand chose ici, ça a pas d’allure... J’vais m’occuper de la question des téléphones aussi, y est temps qu’on en ait des dignes de ce nom! Ou plutôt j’vais leur demander de s’en occuper, mais ça revient au même... Serge-8 -- Bon, on y retourne? Valence -- Oui! On a plus rien à faire ici. [regarde Brad, et, à contrecoeur...] Félicitations, Brad. Petrolia -- Bravo... Capitaine -- Salut, Brad, à plus tard. Les autres se contentent de lui envoyer un signe de la main et se dirigent vers le petit vaisseau dont ils se servent pour faire la navette entre les deux planètes. Brad, lui, retourne vers les estrades. Changement de séquence. Nous sommes au coucher sur soleil, sur Lévesque 118 et tout le monde est au centre du campement, assis autour du feu, sauf Brad. On sent que tous s’inquiètent encore un peu pour Bob, assis entre Flavien et Petrolia. Petrolia -- Bob, t’es sûr que ça va? Bob [après quelques secondes de réflexion] -- Tsé Pet, si tu m’donnes le choix entre devenir président pis m’enfermer dans un château avec un entourage que j’aurai pas choisi, pis rester le même bon vieux Bob et vivre ici avec vous, ben je choisis de rester ici. C’est sûr que j’vais être plus heureux comme ça... J’veux pas me séparer de vous pis me retrouver avec du monde que j’connais pas! Alors oui, je vais très bien. Petrolia met son bras autour des épaules de Bob, et Flavien aussi. Capitaine -- Brad, président. Manquait pu rien qu’ça, ça va être beau à voir... Valence -- Charles, j’suis certaine qu’yé bien intentionné. Capitaine -- Peut-être, Valence, mais comme le disait le grand Napoléon Bonaparte : « L’enfer est pavé de... de tites pierres de sauna ». Flavien -- Ouain... Fait que quand y pleut, y doit faire chaud en maudit...!! Tout regardent le capitaine et Flavien pendant quelques secondes, l’air abasourdi. Bob se lève. Bob -- J’vais aller chercher des guimauves. Il se dirige vers la marquise. Petrolia -- Brad a pris la peine d’appeler pour dire de pas l’attendre ce soir. Y doivent faire le party là-bas, là... Capitaine -- Célébrer Brad. C’est... peu commun... Les autres montrent silencieusement leur accord et restent silencieux quelques secondes. Valence [voulant changer de sujet] -- Nous aussi on va bientôt avoir une raison de célébrer! Heille, dans six jours, on envoie les coordonnées à la Terre! La mission est pratiquement terminée! Tous se réjouissent; le capitaine semble toutefois un peu mi-figue, mi-raisin, mais ça se voit à peine.Capitaine -- Ouais, on a notre planète... La planète parfaite, ya pas à dire... C’est la Terre à ses débuts... Flavien et Petrolia se regardent, heureux. En fait tout le monde prend un air heureux, même Serge semble content. Le capitaine les regarde et se décide à sourire complètement, tout en gardant une ou deux réserves. Bob arrive, les regarde et bien qu’il n’ait pas entendu la portion de conversation qui les a poussés à sourire ainsi, il sourit aussi. Puis, ils font circuler entre eux le sac de guimauves. Changement de séquence. Le lendemain, au déjeuner, tous sont réunis autour du feu, sauf Brad. Comme la veille, il sort de sa tente et les rejoint, mais son apparence est radicalement opposée à la précédente : pantalons de pyjama et t-shirt, dépeigné, visage blême, barbe de trois jours, air bête. Il arrive au centre et s’assied, ou plutôt se laisse tomber sur une bûche à côté de Flavien. Flavien -- Ouain, ça a fêté fort hier soir! Flavien donne une petite tape derrière l’épaule de Brad, mais celui-ci passe près de perdre l’équilibre et de tomber par en avant. Brad [d’une voix un peu malade] -- Ben! Je suis président, foi de Brad, ça s’fête! Capitaine -- « Foie » de Brad, c’est l’cas de l’dire! Bob -- Tout’ qu’un lendemain d’veille, plus « lendemain de veille » que ça, on est après-demain! Brad -- Les planchers vont être finis dans cinq jours... Valence -- Vous avez pu constater de très près qu’ils l’étaient pas? Capitaine -- Ça tombe bien, on envoie les coordonnées à la Terre dans cinq jours. Brad [pas tout à fait lucide] -- Pis, ça? J’aurais pu rester pareil... Capitaine -- Vous avez pas hâte d’être là-bas? Brad [émerge juste assez] -- Heu... Heu, oui, bien sûr... Petrolia -- Ouain, c’est difficile à matin, hein? Bob vous battrait presque au Scrabble! Valence [pas trop fort, à Petrolia] -- Mets-en pas trop, là, disons au paquet voleur... Capitaine -- Avez-vous commencé à ramasser vos choses un peu? Brad -- Relaxe, Max, j’ai-tu l’air en état? Tous regardent Brad, ahuris d’une telle familiarité, en retenant leur souffle. Brad lève la tête, qu’il avait jusque là gardée baissée. Brad -- Ben quoi... Heille c’est moi l’boss d’la galaxie à c’t’heure! J’ai pu à vouvoyer personne! Capitaine [fâché] -- Peut-être, Brad, mais ne vous enorguigue... enonorgagui... enorguailliss... enorguei... lli... ssez pas... [tous applaudissent, il les calme d’un geste de la main] trop vite : la mission ne sera terminée que dans cinq jours : d’ici là, vous faites toujours partie de mon équipage et dans mon équipage, et dans mon campement, c’est moi votre « boss ». C’est clair? Brad marmonne vaguement un acquiescement à contrecoeur et rabaisse la tête. Capitaine -- Valence et moi, tantôt, allons nous chercher un terrain où bâtir notre maison. [Valence le regarde, heureuse.] Vous êtes libres de disposer de votre journée comme bon vous semble. Petrolia -- Flavien et moi on a décidé de rester avec Serge et pas loin de Bob. On va peut-être aller voir aujourd’hui aussi. Bob [avec un clin d’oeil vers Flavien] -- Pas loin du futur terrain de cosom non plus, hein mon Flavien? Flavien lui rend son clin d’oeil. Petrolia prend un léger air découragé face à cette manie typiquement masculine! Brad -- Moi, j’vais... Les six autres, d’une même voix -- Cuver? Brad [d’un ton légèrement pathétique] -- Mouin... Les autres le suivent des yeux alors qu’il tombe par en arrière. Changement de séquence. Nous sommes pendant le coucher du soleil, le même jour, et il doit être 19 h 30 - 20 h. Nous voyons le capitaine, sur le bord de l’eau, qui semble pensif. Puis, nous voyons Valence, dans le centre du campement, qui semble un peu inquiète. Elle est seule avec Serge et Bob, assis un peu en retrait, qui se cure les dents. Valence -- Serge? Serge-8 -- Oui, Valence? Valence -- As-tu vu le capitaine? J’le cherche depuis l’heure du souper... Ça fait deux heures et demie, là, j’commence vraiment à m’inquiéter... Serge-8 -- Valence... « J'ai insisté moi-même, ainsi que beaucoup de mes amis; mais il est le seul conseiller de ses passions; il est l'unique confident de lui-même, confident peu sage peut-être, mais aussi secret, aussi impénétrable, aussi fermé à la recherche et à l'examen que le bouton qui est rongé par un ver jaloux avant de pouvoir épanouir à l'air ses pétales embaumés et offrir sa beauté au soleil! Si seulement nous pouvions savoir d'où lui viennent ces douleurs, nous serions aussi empressés pour les guérir que pour les connaître ». Valence [ne comprenant rien] -- Hein...? Serge-8 -- C’est du Shakespeare, Valence, ça vient de Roméo et Juliette... En gros, ça veut dire : « Y est tu seul, y réfléchit, pis y veut pas qu’on l’dérange ». Valence -- Ah... Comment tu fais pour connaître ça? Serge-8 -- Ça fait partie de ce que Petrolia a entré dans ma mémoire. Tu sais, Sergeï et Odile avaient beaucoup de livres et Petrolia les a gardés. Chaque fois qu’elle doit me reconstruire, elle essaie de me transmettre le plus de culture possible après en me les faisant lire. Ou plutôt, enregistrer. La dernière fois, j’ai enregistré l’oeuvre complète de Shakespeare. Valence -- Wow! C’est impressionnant! Serge-8 -- Je sais. Merci. J’ai aussi appris des techniques de scoutisme. Valence -- Oui, ça a paru quand on est arrivé pis que t’as monté ta tente en 30 secondes... Serge-8 -- Trente-deux secondes et huit centièmes. Valence -- C’est ça que j’voulais dire... Hey, tu m’donnes une idée!! On monte un cadran solaire!! Ça va nous changer les idées! [Regardant vers la plage] ME changer les idées... Serge-8 -- Ça, j’ai pas appris. Valence -- Pas grave! On va s’débrouiller! J’ai vu du monde en faire à la télé, quand j’étais jeune... [à Bob] Bob!! Bob [cure-dents en bouche] -- Hmm? Valence -- Veux-tu nous aider? Bob sort son cure-dents de la bouche. Bob -- À quoi? Valence -- On fait un cadran solaire! Bob -- C’est quoi? Valence -- On va t’expliquer! Bob -- Ah ben ok! Bob se lève et s’approche d’eux. Valence -- Bon. Bob, va chercher 12 petits cailloux, Serge, va me chercher un bâton d’environ 3/4 de pied. Après on va pouvoir le monter! Bob et Serge-8 -- Ok!! Ils partent. Valence commence à tracer un cercle par terre. On voit à l’écran l’inscription : « Une heure plus tard ». Il commence à faire noir, le feu est donc de plus en plus la seule source de lumière. Valence, Serge et Bob ont disposé les cailloux et le bâton du cadran solaire. Valence -- Bon. Va falloir attendre à demain pour le finir parce que... ya pas de soleil! Serge-8 -- C’est logique. Ils se relèvent. Valence lève les yeux vers la plage pour la énième fois depuis une heure et voit enfin Charles arriver. Celui-ci a le visage sombre. Valence, plus inquiète que jamais, s’approche très près de lui. Valence -- Charles? Qu’est-ce qu’y a? Le capitaine regarde Valence pendant une dizaine de secondes, du même air sombre, triste, trop sérieux. Il tasse quelques mèches qui tombent dans le visage de sa belle, la caresse et parle enfin. Capitaine -- Valence... Valence [d’une petite voix] -- Charles...? Capitaine -- Valence, tu peux aller dire aux autres de commencer à faire leurs bagages. Un silence de mort tombe. On n’entend que le faible crépitement du feu. Charles et Valence se regardent encore dans les yeux, elle ne voit pas tout de suite ce qu’il veut dire. Puis, tout à coup, elle comprend. Elle s’éloigne brusquement de lui, mais continue à le regarder, ébahie, sans y croire. Valence [secouant la tête] -- Tu veux pas dire que... CHARLES!! Non, non c’est pas VRAI!! Capitaine [voulant la calmer] -- Valence... Valence [presque hystérique] -- T’AS PAS L’DROIT!! T’as pas toute ta tête, Charles, ça s’peut pas, t’as aucune raison de décider ça!!! Bob -- Qu’est-ce qu’y s’passe là, on repart en camping? Valence, toujours paniquée, le regarde et essaie de lui parler plus calmement. Valence [d’abord calmement, mais s’emporte] -- Ben non Bob, c’est pas ça, tu comprends pas... Y veut qu’on parte!!! Qu’on quitte la planète!!! Bob [nerveux] -- Quoi? Serge-8 -- Pourquoi? Valence se ressaisit un peu, question de pouvoir penser et parler rationnellement. Valence [aux trois en même temps] -- Oui! Y doit encore voir un problème? [au capitaine] J’vois pas lequel!! Me semblait que c’était rendu certain qu’on restait! T’es mieux d’avoir une maudite bonne raison, cette fois-ci, parce que j’te jure que... Alertés par tout le brouhaha, Flavien, Petrolia et Brad sortent de leurs tentes. Brad [un peu endormi] -- Voyons, y s’passe quoi? Ya du monde qui dorment encore à c’t’heure-ci! Petrolia -- Oui, qu’est-ce que vous avez? J’suis sure qu’on vous entend dans toute la galaxie! Valence [se forçant à se calmer] -- Le capitaine veut... qu’on parte. Flavien, Petrolia et Brad adoptent le même air de profond ahurissement que Bob. Flavien -- Ben voyons, c’est... Ya pas d’raison, là, j’comprends pas... La planète est parfaite, j’pensais qu’on était d’accord là dessus... Petrolia -- Ben oui! On pourrait pas rêver mieux, vous l’avez dit vous-même hier soir! Capitaine, j’pense que vous « crackpotez » juste un peu là! Heille moi pis Flavien on a prévu se marier pis avoir des enfants ici, ça fait que tsé! Valence [au capitaine, avec ressentiment] -- Nous deux aussi, j’te rappelle. Capitaine [posément] -- Au bout du compte, j’fais c’qu’ya de mieux pour nous. Valence le regarde. On voit qu’elle fait des efforts surhumains pour rester calme et essayer de le comprendre. La psychologue prend le dessus. Valence -- Charles, on en reparlera demain à tête reposée là... Hein? Sais-tu c’que j’pense, moi? J’pense que tu souffres de ce qu'on appelle l'angoisse du marin pris dans un bateau sur la mer des Caraïbes en période de chasse. Ça peut entraîner des pensées irrationnelles, des peurs troubles et non fondées, et même parfois de la panique schizophrène... J’pense pas que tu risque de te rendre jusque là, mais on serait mieux de pas prendre de chance, hein, couche-toi tôt ce soir pis – Le capitaine fait un signe de la main à Valence pour qu’elle se taise. Elle obéit à contrecoeur. Capitaine -- Laissez-moi vous expliquer. Brad -- Ya rien à expliquer! Vous voulez qu’on parte parce que vous êtes jamais content des planètes qu’on trouve pis vous serez jamais content, un point, c’est tout! Vous êtes la personne la plus bornée que j’ai jamais rencontrée... Pis à part ça, vous savez c’qui arrive aux capitaines qui veulent nuire au succès d’une mission... Bob -- On les coupe en morceaux pis on les met dans la sauce à spagat? Brad -- Ben non, sarcelle sans cervelle! On les des-ti-tue! Capitaine -- Qu’est-ce que ça peut bien vous faire, de toute façon? Vous êtes président de la galaxie, vous restez, peu importe l’issue des événements et vous ne ferez bientôt plus partie de l’équipage... Brad [fièrement] -- Ça empêche pas que j’aime encore vous voir souffrir et être humilié! Capitaine -- Bon, eh bien alors... Il tapote ses épaules, mais se souvient qu’il ne porte pas sa veste, car il n’est pas en uniforme. Il va donc la chercher dans sa tente et revient. Capitaine -- ...puisque c’est comme ça, que je sois destitué. [Il donne sa veste à Flavien.] Je n’en ai cure. Je préfère partir et perdre mon poste plutôt que rester et le garder.Tous le regardent, perplexes. Voyant cela, il contourne le feu de sorte à ce que celui-ci le sépare des autres, et les regarde. Capitaine -- Asseyez-vous... [regardant Brad] Ceux que ça intéresse... [reportant son regard sur tous les sept] Je vais vous expliquer ma décision. Ça risque d’être long. Tout le monde s’assoit. Brad hésite un peu, mais décide finalement de s’asseoir aussi. Le capitaine reste debout, solennel. Capitaine -- Laissez-moi d’abord vous résumer un peu l’histoire de l’humanité. Bob -- Est-ce qu’ya des dessins? Capitaine -- Non, Bob... Bob [déçu] -- Ahh... Capitaine -- Depuis la nuit des temps, le Terrien a voulu trouver le meilleur moyen de cohabiter avec ses semblables. Les monarchies, le capitalisme, le socialisme, le fascisme et plein d’autres belles et moins belles inventions comme celles-là ont marqué les siècles : il serait bien sûr impossible de déterminer avec le moindre semblant d’exactitude l’époque à laquelle l’être humain a commencé à vouloir vivre en société. Il est parfois parvenu à le faire avec brio, mais trop souvent, il a échoué lamentablement. Partant du principe que le coeur a... a une aorte que le... poumon ne connaît pas, [incertain, mais continue] ou du moins quelque chose comme ça, l’Homme s’est trop souvent laissé mener par son instinct avec les résultats que l’on connaît : guerre après guerre, il a versé beaucoup de trop de sang. Au nom de sa religion, de sa race, de sa nation. Nous pouvons citer comme exemple la Guerre de Cent Ans, qui opposa les Français aux Anglais pendant un peu plus d’un siècle pour des questions de pouvoir... Changement de séquence. Au bas de l’écran apparaissent les mots : « Deux heures plus tard ». Les six, même Serge, semblent dans un état de demi-sommeil, royalement tannés d’écouter le capitaine.Capitaine -- ...et cela marqua donc la fin du communisme en Tchécoslovaquie. Le capitaine arrête de parler quelques secondes. Les six autres lèvent la tête dans un regain d'espoir.Capitaine -- PUIS, [retour du désespoir général] trop peu de temps plus tard, c’est au Moyen Orient que la bêtise humaine frappe à nouveau, avec la guerre du Golfe. Encore là, trop de vies innocentes sont perdues pour rien, et... Le capitaine voit que son auditoire s’endort et décide de les secouer pour les réveiller et bien passer son message. Capitaine [en hurlant et gesticulant, faussement paniqué] -- AAAAAAAHHHHH!!! ATTAQUE NUCLÉAIRE!!! Y NOUS TIRENT DESSUS!!!! COUCHEZ-VOUS!!! Tout le monde panique et se couche. Le capitaine se calme et reprend sa position d'origine. Capitaine -- Bon. Maintenant que j'ai votre attention... Les autres se rassoient. On les voit se remettre. Petrolia -- C'pas très très sympathique... Serge-8 -- Ya pété une fuse, chose... Capitaine -- Où je veux en venir, c’est que nous avons quitté il y a cinq ans une planète que nous avons rendue inhabitable à force de détruire notre environnement, certes, mais aussi à cause de nos fusils, de nos bombes, de nos missiles, de nos mines antipersonnelles, plus fondamentalement à cause de nos systèmes politiques communistes, racistes, nazis et pire encore. Depuis toujours, au nom de ces systèmes politiques, nous nous tirons dessus, nous nous haïssons, nous accumulons les massacres et les guerres sanglantes et aujourd’hui, nous voulons emménager dans une galaxie qui élirait à sa tête un homme comme Brad Spitfire. Brad -- Heille! C’est méchant! Y a d’l’abus! Capitaine -- Oh oui, il y a pire que Brad. Mais c’est symbolique. Qu’est-ce qui nous dit que cette galaxie est meilleure, plus saine, que la Terre? Que les Koshissiens sont plus sensés et plus pacifiques que les Terriens? Qu’ils n’attendent pas qu’un mot, qu’un pet de d’sous d’bras dérangeant pour commencer une guerre interplanétaire? Quand nous sommes arrivés la première fois, Brad et moi, ils nous ont dit que les Terriens avaient une excellente réputation. Moi, je trouve ça louche et j’me méfie. Flavien -- Peut-être que vous avez tort... Capitaine -- Peut-être, mais je ne veux pas prendre de chance. Je ne veux pas, un mois ou un an après l’arrivée de tous les autres, que l’on reprenne notre histoire telle quelle. Je veux la recommencer à zéro, avec des systèmes politiques tout neufs, et je sais que vous aussi, dans votre for intérieur, voulez la même chose que moi. Nous ne voulons pas refaire les gaffes que nous avons faites par le passé. Or, rester ici n’est pas un recommencement, l’histoire des Koshissiens est déjà en branle et trop pareille à la nôtre. Rester ici sous prétexte que la nature est belle serait nous comporter en TERRIENS, et par « Terriens », j’entend les pires, ceux dont le seul nom nous donne maintenant la nausée, les peureux, les égoïstes, les nombrilistes, les bombardeurs. Je n’en suis pas un, vous n’en êtes pas, alors écoutez-moi bien. [Il recule de quelques pas et pointe le ciel, en direction du vaisseau.] La planète sur laquelle nous sommes n’est pas la seule de l’univers, Koshissi n’est pas la seule galaxie. Alors si on veut vraiment améliorer notre sort, on remonte dans ce vaisseau et on continue. Parce que vous savez, on a beau se dire qu'on est pas au bout du bois et qu'on est pas sorti de nos peines, mais ce qu'on fait en vaut la chandelle et si vous voulez donner un meilleur avenir aux quelques milliards d'êtres humains qui restent, laissez ce faux paradis derrière et venez avec moi. Le capitaine baisse le bras lentement. Personne ne parle. Tous se regardent et déglutissent, sauf Brad. Lentement, Flavien se lève. Il va rejoindre le capitaine, se place derrière lui et pose sa veste sur ses épaules. Valence, Petrolia, Serge et Bob le rejoignent et serrent tous le capitaine dans leurs bras. Puis, ils s’éloignent un peu de lui et regardent Brad, resté à sa place. Brad -- Bon, c’est émouvant, mais moi je suis bien ici et j’me sens déjà chez moi. Si vous le permettez, donc, je ne retournerai pas dans cette boîte de conserve et ne fêterai pas ce nouveau départ avec vous. Capitaine -- Bien à vous, Brad. Je suis certain que vous vous plairez ici. Nous, nous partons demain. [Baille.] Bon!! Allons nous coucher, il est tard!! Demain, il va falloir défaire le campement! Bob [baillant aussi] -- Oui, c’est vrai... Go! Bonne nuit tout l’monde! Tous lui répondent et entrent dans leurs tentes. Le capitaine reste quelques minutes de plus pour éteindre le feu avec du sable, puis il va dans sa tente aussi. Changement de séquence. Quelque temps plus tard, tout le monde dort. Brad se réveille, prend un rouleau de papier de toilette et sort de sa tente pour aller faire quelques besoins dans les bois. Il se rend donc à un coin assez reculé, dépose son rouleau en équilibre précaire sur une branche à sa droite et commence à les faire en maugréant. Brad -- Hiii bâzouelle, trois semaines ici pis personne a construit de bécosse! Pas fort fort... Sans lever la tête, il étire le bras pour prendre le rouleau, tâtonne un peu et on voit une patte d’animal le lui tendre. C’est celle de Roger-Émilien Dupuis-Brodeur. Brad ne s’en rend pas compte tout de suite. Brad -- Merci. Roger-Émilien -- De rien. Un ange passe, puis Brad comprend. Il s’immobilise et lève des yeux craintifs vers Roger-Émilien. Roger-Émilien [secouant la patte gauche de gauche à droite] -- Coucou!! Brad reste interdit une fraction de seconde, puis ses cordes vocales se réveillent. Brad [criant] -- Aaaaaaahhh!! On entend une courte plainte et un long « chut » provenant des tentes. Roger-Émilien -- Calme-toi l’pompon, tu veux pas réveiller tout ton bon peuple... Brad consent à se calmer. Brad -- T’es... T’es Chose, là, la boule de poils à Petrolia? Roger-Émilien -- Oui, mais mon nom, c’est Roger-Émilien, Roger pour les intimes. Et je suis un raton laveur. En passant. Brad [étonné] -- Pis tu parles! Un raton laveur qui parle! Roger-Émilien -- Heille mon biquet, t’es sur une planète où les oiseaux chantent en serbo-croate, tu t’attendais à quoi? Brad -- Petrolia a l’sait-tu, qu’tu parles? Roger-Émilien -- Non, j’y ai pas dit, j’voulais pas y faire peur... Elle aurait eu la chienne, hein? Brad -- Non... Non, j’pense pas, elle est assez particulière elle-même... Roger-Émilien -- Bon. Ben tant pis. Brad -- Mais là t’es là pourquoi, là? J’aime autant t’avertir, j’suis pas trafiqueur de sacs à vidanges... Roger-Émilien -- Ben non, épais, fouiller dans les poubelles, c’est passé d’mode. Brad -- Content de l’apprendre! Roger-Émilien -- J’ai assisté tantôt au discours de votre capitaine pis y a raison, tsé. Personnellement, chu content que ma planète à moi soit tranquille. En tout cas, c’t’un détail. Brad -- Bof... On s’en accommodait sur Terre, on s’en accommoderait ici. Roger-Émilien [ironique] -- Belle façon d’voir les choses... Mais ça a l’air que t’es tu seul à penser d’même. En tout cas, où j’veux en venir, c’est que tu pars pas avec eux? Brad -- Ça va pas dans ta tête de bestiole anormale? J’suis président d’une galaxie, j’ai la gloire, le pouvoir, l’argent, les disciples et le château, pis tu voudrais que j’m’en retourne dans la canisse spatiale avec les six autres morons? Roger-Émilien -- Moi ça m’dérange pas, bien que tu me donnes de moins en moins le goût de te côtoyer, mais tu seras pas heureux ici. Brad -- Tu débloques. Roger-Émilien -- À long terme, j’parle. Brad -- Ben tu débloques à long terme. Roger-Émilien s’approche de Brad et lui donne un coup de patte dans le visage, juste assez fort pour faire mal, avec peut-être les griffes un peu sorties. Brad [portant la main au visage] -- Heille, ayoye! Un autre coup comme ça, pis j’te transforme en tapis sauve-pantalon! Roger-Émilien -- Là écoute-moi ben, ti-cass : si j’étais toi, je resterais pas ici, et j’vais te dire pourquoi. Brad -- Un raton s’essaye... Roger-Émilien -- Tu t’penses ben bon, là, c’est ton heure de gloire, tout l’monde te trouve don’ fin pis porteur d’avenir, mais t’as pas l’air de penser que toute bonne chose à une fin. Tu seras pas président toute ta vie, tsé mon p’tit gars, t’es pas le seul dans l’univers à avoir de l’ambition. Brad [ironique] -- Noooooon...? Roger-Émilien -- Veux-tu que l’futur tapis sauve-pantalon t’en mette une autre sur ta p’tite face de fromage pas frais? Brad -- Qu’y s’essaye, pour voir... Roger-Émilien -- La vraie de vraie vérité, Brad, c’est que dans cinq ans, un homme encore pire que toi va décider qu'y aimerait ben ça lui aussi devenir président, alors y va se présenter aux élections pis devine quoi? Y va être élu. Toi, Brad Spitfire, tu vas retomber au rang de rien du tout. Tu vas te retrouver tout seul de Terrien sur une planète à mille milliards d'années-lumière de tout le monde que tu connais, et aimes, même si t'es trop con pour te l'admettre, sous la domination d'un chien encore plus sale que toi. Une ou deux secondes de silence. Brad le regarde nerveusement. Roger-Émilien -- Oui, ça existe. Brad déglutit. Brad [de moins en moins sûr de lui] -- C’est vrai qu’y vont être loin pis moi ici... Tout seul... Mais c’est pas grave, c’est même pas vrai que j’les aime. Roger-Émilien -- Oui, tu les aimes. Pis même si tu les aimais pas, Brad, même si tu les haïssais, c’est la seule famille qui te reste en attendant que celle qui te reste sur Terre arrive. Et quand ils vont arriver, toi, tu seras pas là? Dis-moi, Brad, t’aimerais pas ça être là pour accueillir ta famille? Brad -- Ouain... J’avais pas pensé à ça. Roger-Émilien -- Bon, ça fait ça d’réglé. À c’t’heure, pense au jour où tu vas t’faire battre par un salaud encore pire que toi. Tu vas faire quoi, tout seul de Terrien ici, pas de famille, pu de vrais amis? Tu vas pas te sentir seul? Brad -- Ben oui mais... Président...!!
Roger-Émilien -- Pour combien de temps?
Brad [capitulant, un peu à contrecoeur] -- Bon... Ok... T’as gagné là, m’a repartir... Mais j’vais m’faire une poupée vaudou à ton effigie pis quand ma conscience héréditaire de bureaucrate sans scrupules va venir me harceler, j’vais t’rentrer des aiguilles à tricoter d’bord en bord!
Roger-Émilien -- Ben oui, c’est ça. Va t’coucher, là. J’suis chanceux qu’tu sois moumoune en partant, ça a po été trop dûr.
Brad -- C’est ça j’vais faire. Adieu, sac à puces...
Roger-Émilien -- Tourlou!
Brad s’en retourne à sa tente avec son rouleau, l’air un peu déprimé.
Brad -- Maudite affaire...
Changement de séquence. Nous sommes le lendemain matin, vers peut-être 9 h. Flavien, Petrolia, le capitaine et Valence sortent de leurs tentes en même temps et s’étirent. Serge et Bob sortiront aussi au cours des quelques répliques suivantes. Tout le monde est en uniforme.
Flavien [baillant] -- Bon, notre dernier matin ici...
Petrolia -- Ouain... Essaie de pas trop y penser...
Flavien remarque que Brad a sorti ses bagages et défait sa tente, dos à eux. Il n’est pas en uniforme, car il n’a pas le courage de leur dire tout de suite qu’il veut partir avec eux.
Flavien -- Hey, Brad! Vous partez aujourd’hui finalement?
Brad -- Ouais... Parce que j’vais vous laisser la tente!
Flavien -- Ah ben oui, c’est vrai. J’avais pas pensé à ça.
Capitaine -- Et les planchers pas finis?
Brad -- Ben j’vais m’débrouiller pour rester chez Adminarus pis...
Brad arrête ce qu’il fait et baisse la tête en signe de reddition, puis se retourne vers les autres.
Brad [piteux] -- Ben non là, c’est pas vrai... J’voulais savoir... En attendant que vous sous-louiez mon lit à un jeune cégepien, sur le vaisseau, est-ce que j’pourrais le ravoir...?
Surprise générale.
Capitaine -- Scusez, pardon?
Brad -- Ben j’y ai pensé, pis si j’reste, ben j’vais être tu seul, pis dans cinq ans peut-être qu’un autre va gagner les élections, pis peut-être qu’y va être encore moins fin que moi, pis si y est méchant, ben je serai pas heureux, pis si j’suis pas heureux, ben j’aimerai pu ça ici, pis si j’aime pu ça ici, peut-être que les autres m’aimeront pu non plus, pis si les autres m’aiment pu, peut-être qu’ils vont devenir hostiles envers moi, qui serai le seul de ma race, et s’ils deviennent hostiles, peut-être qu’ils vont vouloir me tuer, pis si ils veulent me tuer, ben je vais peut-être mourir, pis si je meurs, ben ça va faire mal, pis si ça fait mal, ben... ça fera pas du bien!! Comprenez-vous?
Bob tient sous son nez un mouchoir plein de sang et Serge le fournit en tenant la boîte.
Le capitaine vient se placer devant Brad.
Capitaine -- Oui, je comprends. Et je suis tenté de vous refuser l’accès au vaisseau. [Brad tombe à genoux devant lui.] Mais je suis trop bon. Vous pouvez revenir avec nous.
Brad pousse un soupir si fort que le bas des pantalons du capitaine flotte par derrière comme poussé par un coup de vent.
Capitaine -- Mais vous serez de corvée de vaisselle pendant six mois, avec heures supplémentaires sur demande et sans aucun congé payé.
Brad -- Tout c’que vous voulez!!
Capitaine -- Levez-vous.
Brad se lève et se secoue.
Capitaine -- Qu’allez-vous faire pour votre poste de président? Le garder par télé-travail?
Brad -- J’peux pas faire ça, vous savez bien... Mais comme j’ai fini de ranger mes choses, je vais aller sur Mackenzie 15 et régler les questions administratives pendant que vous rangez les vôtres. Comme Spété Hayeull est arrivé bon deuxième, il héritera de mon poste.
Capitaine -- Bien. Vous vous mettrez en uniforme, aussi.
Brad -- Oui. Capitaine.
Brad se dirige vers le petit vaisseau-navette.
Bob -- Ben on aura tout vu. Faut-tu être moumoune?
Valence -- Heille, mets-en...
Petrolia -- J’me demande bien c’qui l’a poussé à décider ça...
Capitaine -- Moi aussi. Bon. On déjeune et on ramasse, après on attend Brad et on retourne sur le vaisseau. Go!
Tout le monde s’affaire à ramasser ses choses ou à déjeuner. Changement de séquence. Nous sommes sur le vaisseau. Tout le monde est à son poste, sauf Brad, qui est absent. Le capitaine, Valence et Petrolia regardent une dernière fois la planète par le hublot. Valence soupire.
Valence -- ‘Était belle, quand même.
Capitaine -- Oui, Valence, mais y en a d’autres... On a la preuve, au moins, que des belles planètes parfaitement habitables pour nous, ça existe. On va en trouver une autre, t’en fais pas. Et on va recommencer VRAIMENT à zéro.
Valence -- Oui... Charles, j’m’excuse d’avoir piqué une crise d’hystérie hier. J’comprenais pas. Maintenant, je sais que t’as eu raison.
Capitaine -- Valence, c’est normal.
Il lui donne un bec sur le front.
Flavien -- Capitaine, nous venons de sortir de l’orbite de Lévesque 118. Nous sortirons bientôt de Koshissi aussi.
Le capitaine, Valence et Petrolia reportent leur attention dans le vaisseau. Brad entre. Il semble déprimé.
Valence -- Brad, ça va un peu mieux?
Brad -- Bah... J’pense que j’vais avoir besoin d’un peu de temps...
Valence -- C’est normal. C’est un deuil, que vous vivez. Vous viendrez me voir tantôt, en thérapie. Ok?
Brad se force pour sourire.
Brad -- Ouais.
Le capitaine s’adresse à Serge.
Capitaine -- Alors, Serge, guéri?
Serge-8 -- Je crois, Capitaine.
Capitaine [en lui donnant une tape sur l’épaule] -- Tant mieux. Un robot en santé vaut... vaut mieux que deux « tu l’auras ».
Toujours avec Serge, il se dirige vers une cafetière, posée près du téléfax. Il se verse une tasse de café, puis vient s’asseoir sur sa chaise. Tous sont debout derrière lui, sauf Bob, à son siège.
Serge-8 -- Tiens, Capitaine, vous vous remettez au café? Je croyais que vous aviez juré de ne plus y toucher.
Capitaine -- Serge, comme le disait le grand Martin Luther King : « Il ne faut jamais dire “jamais”... sans avoir mis la charrue devant... la peau de l’ours ». Le café, finalement, je crois que ça me convient. Pour un petit bout de temps, du moins. Bob, venez ici.
Le capitaine se lève. Bob se lève aussi et se dirige vers lui.
Capitaine [solennellement] -- Mes amis, la mmmission [tous regardent en haut, à droite] n’est pas encore terminée. Nous trouverons, peut-être demain, peut-être après-demain, peut-être dans un an, peut-être dans deux, ou cinq ans, qui sait [Valence lui fait signe d’arrêter] la planète parfaite, et parfaite sur tous les plans, cette fois, sur laquelle nous pourrons tous enfin emménager et vivre à nouveau heureux.
Il se tourne vers la caméra, tous les autres l’imitent. Par la force des choses, ils se retrouvent à ses côtés ou derrière lui.
Capitaine -- Le courage est l’apanage de... de l’écureuil qui a toujours plus de noisettes que les autres dans ses bajoues. Tout droit [pointe devant lui] nous attend le trésor le plus inestimable qui soit : notre destin. C’est donc vers lui que nous devons aller et...
Valence -- Charles, abrège.
Capitaine -- Et comme je me plais à le répéter, c’est ça... qui est ça. L’univers est un océan qui recèle encore tant de coraux magnifiques que l’on appelle planètes. C’est pourquoi je conclurai ce dernier discours en vous disant de vérifier à bâbord... [tous regardent à gauche, sauf Bob, qui regarde à droite] à tribord... [contraire...] et finalement, mes amis, droit devant, et à l’abordage.
Tous regardent devant et affichent un sourire sincère. Si sincère qu’on en vient à se demander si les acteurs sont toujours dans leurs rôles ou s’ils sont redevenus eux-mêmes...
Générique et musique.
FIN
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Voilà!!
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Écrit par Douce-Amère le Oct 5, 2016 18:51:36 GMT -5
Double-post juste pour signaler bien comme faut que j'ai fini de la poster, au cas où ça vous intéresserait. (De la lire ou de la relire.)
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